Lettres de Jules Laforgue/087

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Lettres. — II (1883-1887)
Texte établi par G. Jean-Aubry, Mercure de France (Œuvres complètes de Jules Laforgue. Tome Vp. 80-82).

LXXXVII

À CHARLES EPHRUSSI

Bad.-Bad., mardi [juin 1884].
Cher Monsieur Ephrussi,

Êtes-vous toujours à Paris ? Y étiez-vous quand ont paru vos articles derniers de la Gazette sur l’Exposit. des noces d’argent ?

Avez-vous toujours l’héroïque amabilité de déchiffrer ma copie d’éternel débutant ?

Avez-vous reçu mon cher et [?] paquet de premier article sur l’Art en Allemagne, vous savez, l’indigeste bouillie esthétique ?

En tout cas, c’est envoyé depuis longtemps. J’espère que ça ne s’est pas égaré, je l’espère pour celui à qui la chose serait échue par erreur.

Je vous envoie trois pages qui m’ont coûté un temps, des visites et des recopiages infinis, sur l’Exposition de Menzel. Donnez-lui cinq minutes de lecture, n’est-ce pas, quand vous n’aurez rien à faire, dans votre coupé, par ex.

Mon second article, celui sur Cornélius, est fini et également énorme, mais passablement nourri sans nulle biographie ou compilation, je crois.

Je vous enverrai aussi un de ces jours une page pour la chronique bibliographique sur l’Encaustique d’H. Cros et Ch. Henry qui vient de paraître.

Et le Polyphile ? Entre nous, je crois que vous vous dépensez pas mal en comités et en expositions ?

Je lis beaucoup d’allemands (sic), l’Esthétique de Fechner, terrible ! Un de ces jours je vous écrirai au sujet d’une brochure que je finis de traduire et qui pourrait paraître en trois fois, petit texte humble, — Sollen wir unsere Statuen bemalen ? — par M. Treu, directeur du musée de Dresde, avec qui j’ai causé dernièrement, brochure dédiée à M. Bernstein — et que vous avez sans doute déjà reçue et lue. — L’étrange, c’est qu’elle est citée en note dans l’Encaustique qui vient à peine de paraître !

Je suis à Bade depuis une semaine. Les deux santés vont assez bien et ne chancellent que dans les journaux.

Il est 2 h. du matin. Ma lampe est la dernière qui brûle à Bade. Tout est éteint — les chiens hurlent à la lune ; le jet d’eau de la cour en bas ruisselle inépuisablement.

Lisez-vous les divins Bourget des Débats ?

Au revoir, à une prochaine lettre.

Votre
Jules Laforgue.