Lettres de Jules Laforgue/113

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Lettres. — II (1883-1887)
Texte établi par G. Jean-Aubry, Mercure de France (Œuvres complètes de Jules Laforgue. Tome Vp. 134-135).
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CXIII

À ÉMILE LAFORGUE[1]

(Fragment.)

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Chez Bingham une Parisienne de Stevens, un chef-d’œuvre. — Chez Goupil probablement quelque Schreyer, probablement des rosses de quarante-cinq sous cachées par des rafales de neige. — À l’Art, une petite femme de Duez, regardant avec ses prunelles une voile à l’horizon, au bord de la mer. — C’est tout, je crois — On n’entend plus parler de Rochegrosse, on ne voit plus rien de lui. Quant à l’autre, Bigot, il collabore à une édition illustrée qu’on publie de Nana.

Tu sais peut-être que dernièrement il y a eu dans tout Paris des élections municipales.

Or voici une petite épopée.

La scène est à Passy. — Quatre jours avant l’élection — le candidat sortant, un radical, harangue ses électeurs dans une réunion. Quand il descend de la tribune, on entend une voix qui demande la parole ! la parole ! — Accordée — un petit monsieur monte à la tribune. — C’est Delcassé (Théophile). Pendant une heure et demie il improvise, on applaudit, on braille, on l’acclame, on le porte candidat. — Il ne lui reste plus que quatre jours, il fait une conférence, dépense huit cents francs à couvrir son arrondissement de ses professions de foi (Il m’en a donné). Arrive le jour du scrutin et Delcassé a… 103 voix. Des félicitations lui arrivent d’Ariège, on lui propose la candidature à la députation pour l’an prochain. Ce type-là est capable d’aller siéger à la Chambre un de ces quatre matins.

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  1. Fragment de lettre de Jules Laforgue à son frère Émile, communiqué en manuscrit par Mme Labat-Laforgue.