Lotus de la bonne loi/Notes/Chapitre 26

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Lotus de la bonne loi
Version du soûtra du Lotus traduite directement à partir de l’original indien en sanscrit.
Traduction par Eugène Burnouf.
Librairie orientale et américaine (p. 432-433).
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Notes du chapitre XXVI

CHAPITRE XXVI.

f. 242 b. Ces Bôdhisattvas, ô fils de famille, sont intelligents.] J’ai traduit d’après mes quatre manuscrits ce passage dont voici le texte original : udghâṭitadjnâ hi kulaputttra êtê bôdhisattvâ api tvayam̃ saddharmapuṇḍarikô dharmaparyâyô yad utâsambhinnatathatâ ; le manuscrit de Londres lit à tort yad utâsambhinnatathâgatê. Mais il faut croire que la version tibétaine se rapporte à un texte plus étendu, ou peut-être qu’elle résulte de la combinaison d’un commentaire avec le texte, car elle est certainement plus développée que l’original sanscrit. Le mot udghâṭitadjña existe aussi chez les Buddhistes de Ceylan, sous la forme de uggaṭitaññu, et il y signifie « intelligent. » Voici un passage du Nidâna vagga, qui en indique suffisamment la signification : Yassa puggalassa saha udâhaṭavélâya dhammâbhisamayô hôti ayam̃ vutchtchati puggalô ugghaṭitaññu. « La personne pour laquelle a lieu la compréhension de la loi, au moment même où elle est exposée, cette personne se nomme intelligente[1]. » À voir le choix qu’a fait le commentateur du mot udâhaṭa, qui revient au sanscrit udâhrĭta, « exposé, » il semblerait qu’il veut y rattacher étymologiquement ugghaṭita, qui cependant vient du sanscrit udghâṭita. Je rends le mot abhisamaya, comme s’il était synonyme de samaya, qui en pâli a le sens de paṭivêdha, « pénétration, compréhension profonde[2]. » D’après Turnour, ce mot aurait un sens plus religieux, car il le rend par l’expression un peu vague de « l’état de sanctification[3]. » C’est dans un sens analogue, mais avec une netteté préférable que Spiegel rend dhammâbhisamaya par « conversion à la loi[4]. » Ce sens irait très-bien à des passages comme ceux-ci : dêsanâpariyôsânê anékêsam̃ pâṇakôṭisatasahassânam̃ dhammâbhisamayô ahôsi, « quand l’enseignement fut terminé, plusieurs centaines de mille de Kôtis d’êtres vivants furent converties à la loi[5]. »

f. 243 a.Vers l’endroit où se promènera.] Il faut dire plus littéralement, « vers le tournant de sa « promenade, » c’est-à-dire vers le lieu où, touchant au point extrême de l’endroit qu’il parcourt de long en large, il va revenir sur ses pas. C’est là du moins le sens que me paraît avoir le composé tchag̃krama kuṭim. Je le trouve avec cette signification dans les textes de Ceylan, sous la forme du pâli tchagkama kôṭi, « au bout de la promenade[6]. » Seulement il doit exister entre ces deux mots la nuance suivante : kuṭi en sanscrit signifie « courbure, coude, » et kôṭi, « pointe, extrémité ; » il y a lieu de croire que ces significations sont passées également en pâli ; mais il est déjà certain, d’après l’Abhidhâna ppadîpikâ, qu’elles sont réunies dans le mot kôti[7].

f. 244 a. Les paroles de ces formules.] Voici les variantes que présentent les manuscrits comparés à celui de la Société asiatique dont j’ai suivi la leçon, sauf povir les points que je vais indiquer. J’ai admis दण्डकुशले, que donnent également les deux manuscrits de M. Hodgson, au lieu de दण्डकुण्डकुशले ; de même सुधारयति au lieu de सुधारिवति, les deux manuscrits de M. Hodgson lisent sans doute mieux सुधारयति ; de même बुड्डपश्यने au lieu du même mot avec sya ; c’est également avec cette sifflante que les deux manuscrits de M. Hodgson lisent, en unissant ce mot en composition avec le suivant, बुड्डपस्यनधारणि. Le manuscrit de Londres lit धारिणी au lieu de धारणी ; ceux de M. Hodgson terminent ce mot par un i bref, qui doit être plus correct. J’ai eu tort de lire avec le manuscrit de la Société asiatique, सर्वरुत° ; le manuscrit de Londres et ceux de M. Hodgson lisent unanimement सर्वसत्त्वरुत°. La traduction tibétaine lit सुदण्डा दण्डावति au lieu de la première formule qui donne un bon sens : les deux manuscrits de M. Hodgson lisent दण्डयति. L’éditeur tibétain répète deux fois आवर्तनि, et lit fautivement सङघनिरनासते au lieu de संघनिघातने que donnent tous les manuscrits. Il lit encore सर्वसत्त्वरूते कौशल्यकौशल्यानुनाते. Enfin un des manuscrits de M. Hodgson écrit avec un i bref, परिक्षिते ; tous les deux ont कर्तिनी, au lieu de वर्तनि.

f. 245 a.Après avoir honoré cette exposition de la loi.] Les deux manuscrits de M. Hodgson ajoutent « l’écrire. » La suite du texte, ainsi que la teneur de la formule qui se répète dans d’autres passages du présent chapitre, prouve que cette addition est nécessaire.

f. 246 a.Doués de la nature propre de la loi.] Il faut traduire plus exactement, « naturellement maîtres de la loi. »

  1. Nidâna vagga, f. 2 b.
  2. Abhidhâna ppadîpikâ, l. III, chap. iii, st.2 ; Clough, p. 166.
  3. Turnour, Examin. of Pâli Buddh. Annals, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VII, 2e part.  p. 799.
  4. Spiegel, Kammavâkya, p. 28.
  5. Mahâvam̃sa ṭîkâ, f. 30 b.
  6. Bhûridatta djâtaka, f. 34 b, man. de Londres.
  7. Abhidhâna ppadîpikâ, l. III, chap. III, st. 94 ; Clough, p. 116.