Ménexène (trad. Méridier)/Notice

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Les Belles Lettres (Œuvres complètes de Platon, tome V, 1re partiep. 51-83).

NOTICE


Le sujet du dialogue.

Socrate apprend de Ménexène que le Conseil s’apprête à désigner l’orateur chargé de faire l’éloge des soldats morts. Il manifeste son admiration pour ces sortes de discours, dont le prestige met en valeur tous les membres de la cité. Au reste, la tâche de l’orateur n’offre en pareil cas rien de difficile. Lui-même, il saurait s’en acquitter. Il a pour maître d’éloquence Aspasie, et la veille il a recueilli de sa bouche une oraison funèbre de sa composition. Sur la prière de Ménexène, il récite ce discours d’un bout à l’autre. Ménexène se déclare émerveillé, et proteste de sa reconnaissance. Socrate s’engage, à condition que Ménexène soit discret, à lui rapporter nombre de discours du même genre faits par Aspasie.


Le personnage de Ménexène.

L’interlocuteur de Socrate est nommé dans le Phédon (59 b) parmi les disciples qui assistèrent aux derniers moments du Maître. Il est mis en scène dans le Lysis, sous les traits d’un adolescent. Fils de Démophon, il sort d’une famille qui a toujours donné des hommes d’État à Athènes[1]. Dans notre dialogue, il est évidemment plus âgé que dans le Lysis, puisqu’il peut croire son éducation achevée, et qu’il se prépare à débuter dans la vie politique[2].

Le Lysis le représente comme un grand disputeur (ἐριστικός, 211 b). Il se montre ici sous un jour différent. Socrate lui demande s’il s’imagine être parvenu au terme de l’éducation (παίδευσις) et à celui de la haute culture (φιλοσοφία) qui, pour les jeunes Athéniens de famille riche, faisait suite à l’éducation proprement dite. Cette question moqueuse est une allusion à l’état d’esprit de ceux qui, comme le Calliclès du Gorgias (484 c sq.), voyaient dans la philosophie un divertissement bon pour la jeunesse, mais indigne de l’âge mûr, et jugeaient nécessaire, quand ils étaient devenus des hommes, de l’abandonner pour l’action politique[3]. Ménexène répond avec respect qu’il a l’ambition d’exercer des charges dans la cité, mais qu’il se réglera sur les conseils de son maître. Il est clair, cependant, qu’il partage l’engouement général pour les discours funèbres. L’improvisation, en pareille matière, lui paraît exiger des dons exceptionnels. Aussi semble-t-il choqué des plaisanteries que Socrate dirige contre les orateurs. Il doute que son maître soit capable de ce qu’il regarde comme un tour de force. Il est impatient d’ouïr le discours qu’on lui annonce ; à la fin, il ne cache pas son admiration pour le morceau d’éloquence qu’il vient d’entendre, et il prie Socrate de lui en rapporter d’autres.


La fête des Épitaphia.

Le Ménexène se présente donc sous la forme d’un dialogue encadrant un long discours, un épitaphios logos, prononcé par Socrate. L’usage de ces oraisons funèbres était ancien à Athènes[4]. Les dépouilles des soldats morts recevaient une sépulture commune dans le cimetière du Céramique[5]. Chaque année, les funérailles étaient célébrées dans une cérémonie publique (Épitaphia)[6], qui, après la construction du Théseion, fut rattachée aux fêtes consacrées à la légende de Thésée et au culte des bienfaiteurs de l’État. Du 5 au 7 pyanepsion (octobre), avait lieu l’exposition des restes, rassemblés dans dix cercueils (un par tribu), auxquels s’ajoutait un lit vide, pour les morts dont la dépouille n’avait pu être recueillie[7]. Le 7 était le jour du convoi funèbre. Au moment de l’inhumation, un orateur, désigné par l’Assemblée sur la proposition du Conseil, prenait la parole pour prononcer le discours d’usage[8]. Ensuite venaient, sous la surveillance du polémarque, des jeux funèbres[9] : exercices gymniques et équestres, concours artistiques, courses d’éphèbes en armes, lampadodromies exécutées par les éphèbes.


Problèmes que pose le Ménexène.

Malgré son peu d’étendue, le Ménexène est un des dialogues de Platon qui ont fait couler le plus d’encre. Il a suscité toute une littérature exégétique. Quel rapport faut-il établir entre le discours de Socrate et la partie dialoguée qui l’entoure ? Ce discours doit-il être pris au sérieux ? Est-ce au contraire une œuvre de fantaisie, une parodie, une satire ? Platon veut-il montrer aux rhéteurs de son temps ce que doit être l’oraison funèbre, ou bien ce qu’elle ne doit pas être ? L’ironie, si elle existe, est-elle dirigée contre la rhétorique contemporaine, ou contre le public athénien ? Le sérieux ne s’y mêle-t-il pas dans une certaine mesure au plaisant ? Autant de questions auxquelles ont été faites les réponses les plus diverses, sans parler du problème de l’authenticité, dont la solution dépend en partie de l’interprétation que l’on donne du discours lui-même. Un examen attentif de l’ouvrage, étudié dans son contenu et dans sa forme, permet, croyons-nous, de se prononcer sur les points essentiels.


Le dialogue du début.

Il ne saurait y avoir de doute sur le sens général du préambule dialogué qui sert d’introduction au discours (234 a-236 d). Socrate y persifle ouvertement les faiseurs d’oraisons funèbres, et Ménexène n’a pas de peine à le comprendre : « Tu te moques toujours des orateurs », lui répond-il (235 c). Sur quoi porte la raillerie ? D’abord sur l’objet même de ces éloges : pour les obtenir il n’est pas besoin d’en être digne ; indifférents à la vérité, ils glorifient en chacun les qualités qui lui sont étrangères comme celles qui lui appartiennent (234 c-235 a). Ils n’ont pas le caractère de spontanéité qui conviendrait à des discours dictés par l’émotion, sous le coup d’événements particuliers : préparés de longue main, ils ne peuvent guère offrir que des lieux communs applicables à toutes les circonstances (234 c, 235 d). La séduction qu’ils exercent ne vient donc pas de leur vérité, ni de leur justesse : elle réside dans les flatteries qu’ils développent, et dans l’éclat d’une forme pompeusement ornée (235 a).

Mais la critique tombe aussi sur le public. Il se laisse prendre à ces éloges magnifiques, qui ne glorifient pas seulement les morts, mais célèbrent de toutes les manières la cité tout entière, les ancêtres et les vivants (235 a). C’est une sorte de charme et d’ensorcellement[10] qui flatte délicieusement les oreilles de l’auditeur, le grandissant à ses propres yeux et lui donnant l’illusion d’appartenir à un monde héroïque. Socrate lui-même, à ce qu’il prétend, ne se reconnaît plus, quand il a entendu ces orateurs. Il se croit devenu un autre homme, transporté dans les Îles des Bienheureux ; et il lui faut trois ou quatre jours pour revenir au sentiment de la réalité (235 a-c).

Il n’y a donc pas à se méprendre sur l’admiration qu’il manifeste pour « l’habileté »[11] des orateurs. Même choisis au dernier moment, ils n’ont pas le mérite de l’improvisation, puisque leurs discours sont tout préparés d’avance. Et d’ailleurs, il est facile d’obtenir l’applaudissement, quand on parle devant ceux-là même dont on fait l’éloge (235 d). N’importe qui en serait capable ; et l’on ne saurait s’étonner que Socrate lui-même se sentît en état de prendre la parole, s’il était choisi (235 e).

Que pouvons-nous attendre du discours qu’il va produire à l’appui de ses allégations ? Une oraison funèbre comme pourrait en composer le premier venu en se réglant sur les procédés de l’école : le défilé des lieux communs habituels, des éloges étendus à l’ensemble de la cité, aux aïeux et aux vivants comme aux morts ; un parti pris de glorification, sans aucun souci de vérité ni de mesure ; enfin, l’emploi systématique de tous les ornements de style en usage dans cette sorte d’éloquence. Que le discours ne doive pas être pris au sérieux et ne soit qu’une parodie, Socrate prend soin de nous en avertir : il craint que Ménexène ne se moque de lui en le voyant, malgré son âge, se livrer encore à la plaisanterie[12]. Il en rougit lui-même, comme il rougirait de danser en simple tunique, et il ne cède à la prière de son interlocuteur que parce qu’ils sont seuls[13].


Le discours de Socrate.

Le discours qu’il débite répond-il aux intentions marquées dans le préambule ?

Le plan, fort net, peut se résumer ainsi[14] :

Exorde (236 d-236 e παραμυθούμενος). Justification du discours ; indication du plan à suivre : éloge (ἐπαινέσεται) des morts ; conseils (παραινέσεται) aux vivants, comprenant une exhortation (παρακελευόμενος) aux fils et aux pères des défunts, puis des consolations (παραμυθούμενος) données aux parents.

I. Éloge (237 a-246 a τοιούτους ἄνδρας). Exorde (237 a-237 b ἀπεφήναντο) : il faut se régler sur l’ordre de la nature, célébrer d’abord la bonne naissance (εὐγένειαν) des morts ; puis leur nourriture et leur éducation (τροφήν τε καὶ παιδείαν) ; enfin leurs exploits (τὴν τῶν ἔργων πρᾶξιν).

1. La bonne naissance (237 b τῆς δ’ εὐγενίας-237 d νομίζει). Comprend deux points :

a. L’Attique est aimée des dieux (θεοφιλής). Preuve : la querelle des divinités qui s’en sont disputé la possession.

b. Seule elle n’a voulu enfanter que l’homme, le plus noble des êtres vivants.

2. La nourriture et l’éducation (238 e μέγα δὲ-239 a φρονήσεως). Comprend trois points :

a. La nourriture. Preuve de l’autochtonie des Athéniens : seul en ces temps lointains, leur pays a produit le blé et l’orge — nourriture appropriée à l’homme — et l’olivier.

b. L’éducation. Il a donné aux Athéniens les dieux pour maîtres et pour éducateurs.

c. Le régime politique (πολιτεία). Sous le nom de démocratie, ce régime est le gouvernement des meilleurs (ἀριστοκρατία).

3. Les exploits (239 a ὅθεν δὴ-246 a).

Exorde (jusqu’à τῶν Ἑλλήνων, 239 b). Énoncé des deux points à traiter : élevés dans la liberté, les Athéniens se sont fait un devoir de défendre la liberté des Grecs contre les Grecs et contre les Barbares.

a. Luttes soutenues contre Eumolpe et les Amazones ; contre les Thébains pour les Argiens, et contre les Argiens pour les Héraclides. L’orateur passe rapidement sur ces hauts faits, souvent célébrés, pour en venir à d’autres, qui n’ont pas encore été glorifiés comme il convient (239 b-239 c τῶν πραξάντων).

b. Guerres médiques (239 c ἔστι δὲ τούτων-241 e ἐπιβουλεύων φθορᾷ).

D’abord, résumé des conquêtes perses : Cyrus, Cambyse, Darius (jusqu’à 240 a Περσῶν ἀρχή).

α. Marathon (240 a-240 e μαθηταὶ τῶν Μαραθῶνι γενόμενοι).

β. Salamine et Artémision (240 e-241 c καὶ Ἀθηναίων).

γ. Platées (241 c-241 d ἐπὶ τοὺς Ἕλληνας).

δ. Autres campagnes contre les Perses (241 d-241 e τῇ τῶν Ἑλλήνων ἐπιβουλεύειν φθορᾷ).

c. Guerres soutenues contre les Grecs (241 e-246 a).

α. Guerre de Béotie (241 e-242 c πρῶτοι ἐτέθησαν).

β. Guerre d’Archidamos (242 c-242 d νικῶντες ἰδίᾳ).

γ. Expédition de Sicile et fin de la guerre (242 d-243 d καὶ ἡττήθημεν).

δ. Guerre civile (243 e-244 b ὧν τ’ ἐπάθομεν).

ε. Guerre de Corinthe (244 b-246 a).

II. Conseils (παραίνεσις, 246 a-249 c ἀπολοφυράμενοι ἄπιτε).

Exorde (246 a-246 c ἔλεγον δὲ τάδε). L’orateur va transmettre aux fils et aux parents les recommandations dont il a été chargé par les morts.

a. Exhortation (παρακέλευσις, 246 d-247 c ταῦτ’ εἰρήσθω) des morts à leurs fils.

b. Consolations (παραμυθία, 247 c-248 d) données par les morts à leurs parents.

c. Exhortation et consolations (248 d-249 c). L’orateur les adresse à son tour aux fils et aux parents des morts. Suit une brève formule de congé.


Les thèmes.

Dans la première partie se succèdent tous les thèmes traditionnels de l’encômion. L’éloge de l’autochtonie est un lieu commun déjà ancien[15]. On le trouve chez Hérodote (VII, 161), Aristophane (Guêpes, V, 1076), Euripide[16], Isocrate[17]. De même la comparaison de la patrie avec une mère[18]. La querelle d’Athèna et de Poséidon, que la légende attique localisait sur l’Acropole, à l’endroit où s’élevait l’Érechtheion[19], était figurée sur le fronton ouest du Parthénon. Non moins célèbre était la légende de Triptolème, fils de Céléos, qui avait reçu de Déméter, parvenue à Éleusis, le premier grain de blé. La glorification du régime démocratique, qualifié d’aristocratie, apparaît dans le Panathénaïque d’Isocrate (131 ; cf. Aréop., 20). Les succès remportés sur les Amazones, la protection accordée aux Argiens contre les Thébains dans la guerre des Sept chefs, et aux Héraclides contre Eurysthée, sont rappelés par Hérodote (IX, 27), Xénophon[20], Isocrate[21]. La mention du secours donné aux Héraclides est, suivant Aristote[22], un des thèmes obligés de l’éloge d’Athènes. Il en va de même du souvenir des guerres médiques[23].

Si l’on compare avec l’oraison du Ménexène les ἐπιτάφιοι λόγοι conservés, on y retrouve partout[24] la même division essentielle en éloge et en consolation. On la relève dans le discours prêté par Thucydide à Périclès (II, 35 sq.), qui l’aurait prononcé pendant l’hiver de 431/430 ; dans l’oraison funèbre attribuée à Lysias (II) ; dans l’êpitaphios transmis sous le nom de Démosthène, qui n’est pas l’œuvre du grand orateur[25] et paraît inspiré du Ménexène ; enfin, dans la seule oraison funèbre certainement authentique que nous possédions : celle qui fut composée par Hypéride en 323 pour les morts de la guerre Lamiaque. Bien plus, nous retrouvons dans ces discours la plupart des thèmes traités dans le Ménexène. Celui de l’autochtonie est esquissé dans le discours de Périclès (Thuc., II, 36) ; il figure chez Lysias (II, 17), dans l’êpitaphios du Pseudo-Démosthène (LX, 4) et chez Hypéride (8). Le Pseudo-Démosthène (5) rappelle que l’Attique a produit la première les fruits nécessaires à la nourriture de l’homme. L’éloge des ancêtres n’est pas oublié dans Thucydide (II, 36) ; les victoires remportées sur les Amazones, la défense des Argiens contre les Thébains, et celle des Héraclides sont célébrées par Lysias (3-16) et par le Pseudo-Démosthène (8). L’éloge de la constitution athénienne est développé par Thucydide (II, 37) et par Lysias (17-19) ; le Pseudo-Démosthène (25-26) l’indique en passant. La glorification des guerres médiques a sa place dans le discours de Lysias (20-47), et se trouve brièvement évoquée chez le Pseudo-Démosthène (10-12), comme chez Hypéride (35-40). Le thème de l’éducation est ébauché dans le Pseudo-Démosthène (16 sq.), et mentionné par Hypéride (8-9). Cette idée qu’Athènes a toujours été le champion de la liberté et de la justice et n’a cessé de se dévouer pour la Grèce, revient à plusieurs reprises dans le Ménexène ; c’est encore un lieu commun, que l’on note déjà dans le discours de Périclès (Thuc., II, 40), et qui reparaît dans le Pseudo-Démosthène (16-24) comme chez Hypéride (4-5).


Le plan du discours et les Τέχναι ῥητορικαί.

Que le plan suivi dans le Ménexène reproduise un ordre traditionnel, c’est ce que montrent, d’autre part, les traités de rhétorique, par exemple le Περὶ ἐπιδεικτικῶν de Ménandre[26]. L’épitaphios comprend deux parties essentielles : l’éloge et la consolation. Dans l’énumération des thèmes qui doivent former l’éloge, figurent en particulier la glorification de la race, de l’éducation, et des actes[27]. Mais nulle part ce plan n’est observé aussi scrupuleusement, ni développé de façon aussi complète que dans le Ménexène. Ailleurs certains thèmes sont omis, ou sommairement énoncés : ici, ils sont tous traités l’un après l’autre, et l’orateur, l’œil fixé sur la tradition, s’attache visiblement, en fidèle disciple des rhéteurs, à n’en négliger aucun.


L’éloge d’Athènes.

De même, la méthode suivie dans l’éloge du Ménexène montre que l’auteur se conforme à une convention établie, en faisant servir à la glorification d’Athènes tout ce qui lui est fourni par la légende et par l’histoire. Systématiquement, il efface les ombres de ce brillant tableau. Quand il parle (241 e) de l’expédition contre l’Égypte, il se garde bien[28] de rappeler le désastre qui la termina[29]. Lorsqu’il fait voir (242 a) Athènes engagée malgré elle, après les guerres médiques, dans une lutte contre les autres États grecs, il oublie les conflits déjà provoqués par l’extension de la puissance athénienne[30]. Dans la période qui va de 457 à 431, il jette un voile sur les échecs subis par la cité[31]. Évoquant la guerre d’Archidamos (242 c), il passe sous silence le soulèvement des villes de Thrace et de Chalcidique, et la prise d’Amphipolis par Brasidas. S’il fait allusion, un peu plus loin (244 b-c), aux désastreuses conditions de la paix de 404, il est muet, quand il la mentionne (243 d), sur l’humiliation infligée à Athènes[32]. Pas un mot ne rappelle les excès commis par les Trente (243 e) : mesures de bannissement, spoliations, massacres.

Ces omissions volontaires peuvent trouver leur excuse, en dehors des habitudes imposées par la tradition, dans les lois mêmes de l’éloge. Mais voici qui est plus grave. D’un bout à l’autre de cet exposé historique, on sent le parti pris de tourner à la gloire d’Athènes toutes les démarches de sa politique. Tout y est dominé par cette idée — lieu commun, on l’a vu, de l’oraison funèbre — qu’elle n’a jamais eu d’autre loi que l’amour de la liberté et le généreux appui donné aux faibles[33]. L’accusation portée par Darius contre Athènes et Érétrie est qualifiée de prétexte (240 a προφασιζόμενος)[34]. Toute la gloire des guerres médiques est réservée à Athènes. L’orateur ne parle point des Thermopyles ; il laisse entendre que les Athéniens ont remporté à eux seuls les victoires d’Artémision et de Salamine[35]. La bataille de Platées est donnée (241 c) comme un triomphe commun aux Athéniens et aux Lacédémoniens[36]. Au combat de Tanagra, les Athéniens, suivant l’orateur, défendaient contre Lacédémone la liberté béotienne (242 a-b) ; en réalité, Athènes soutenait ses propres intérêts, en luttant contre la prépondérance thébaine, appuyée par Sparte. La générosité des Athéniens est glorifiée dans l’affaire de Sphactérie (242 c) : ils épargnent, nous dit-on, les prisonniers Spartiates, les rendent et concluent la paix. Nous savons au contraire par Thucydide (IV, 41) qu’ils gardaient les captifs comme otages, se réservant de les mettre à mort si les Lacédémoniens envahissaient l’Attique, et qu’ils les rendirent, non pas avant la paix de Nicias, mais après la conclusion du traité et en vertu des conventions (V,  18). C’est aussi pour défendre la liberté des Léontins qu’Athènes, à en croire l’orateur (242 e), entreprit l’expédition de Sicile : Thucydide lui prête des motifs moins désintéressés[37]. La fin malheureuse de la guerre est attribuée aux dissensions d’Athènes (243 d) ; il n’est question ni de la défection des alliés, ni d’Ægos Potamoi.

L’orateur (244 b-c) montre Athènes résolue, après 404, à ne plus intervenir pour la défense des Grecs menacés dans leur liberté, parce qu’ils avaient payé d’ingratitude son dévouement : il paraît oublier qu’à cette date la ville était devenue la vassale de Lacédémone, et qu’en cette qualité elle dut, en 399, aider Sparte à écraser Élis. Plus loin (244 d) il fait voir Argiens, Béotiens et Corinthiens implorant l’aide d’Athènes, qui consent encore, malgré son juste ressentiment, à intervenir pour les sauver de la servitude : nous savons, au contraire, que le soulèvement contre Sparte fut soudoyé par l’or de Tithraustès ; les Athéniens, impatients de secouer le joug, acceptèrent, comme les autres, les largesses du Barbare[38]. Ce n’est pas eux qui prirent l’initiative de la guerre : ils se contentèrent, en 395, de s’allier aux Thébains par un traité purement défensif. Il n’est pas exact de prétendre (245 a) qu’Athènes délivra alors les cités grecques de l’asservissement[39]. Quand le Ménexène affirme (244 d) que le Grand Roi ne put trouver de salut en dehors d’elle, il donne à entendre que l’aide athénienne fut désintéressée : l’allégation ne résiste pas à l’examen[40]. L’exposé des circonstances où fut conclu le traité dit d’Antalcidas offre le même caractère de partialité et d’inexactitude[41]. Le Ménexène est loin de la vérité en laissant entendre qu’Athènes refusa, seule, de souscrire à des conditions déshonorantes.

La valeur et les succès d’Athènes sont grossis à dessein[42]. Admettons que la sanglante bataille de Tanagra, livrée en juillet 457, ait été indécise (242 a)[43]. Mais le Ménexène parle (240 ab) de cinq cent mille hommes envoyés sous les ordres de Datis contre Athènes et Érétrie ; Nepos n’en indique que deux cent dix mille[44]. Pour faire sentir la force irrésistible de l’adversaire, le Ménexène montre Érétrie soumise en trois jours : l’attaque en avait duré six, d’après Hérodote, et, par trahison, réussi le septième[45]. Au dire de Thucydide[46] la victoire d’Œnophytes (septembre 457) fut gagnée par les Athéniens soixante-deux jours après le combat de Tanagra ; le Ménexène dit (242 b) τρίτῃ ἡμέρᾳ[47]. Le succès remporté aux Arginuses, en juillet 406, est justement célébré par l’auteur (243 c). Mais les Athéniens avaient l’avantage du nombre : ils opposaient plus de cent cinquante vaisseaux aux cent vingt navires de Callicratidas[48]. Le Ménexène n’a garde de le dire ; bien plus il réduit à soixante bâtiments le renfort de cent dix vaisseaux envoyé par Athènes[49].

Omissions délibérées, partialité des interprétations, grossissements systématiques ne sont pas les seuls défauts à relever dans l’exposé historique du Ménexène. On peut y signaler des altérations manifestes et des mensonges grossiers[50]. À Marathon, dit l’orateur (240 c), personne ne secourut les Athéniens : cependant, nul n’ignorait à Athènes qu’un millier de Platéens[51] avaient pris part à la lutte et contribué à la victoire. Il n’est pas vrai que pendant la guerre d’Archidamos tous les Grecs fussent ligués contre Athènes (242 c) : en face des Péloponnésiens elle avait ses alliés, énumérés par Thucydide (II, 9). L’orateur attribue le désastre de Sicile à l’impossibilité où se trouvait Athènes d’envoyer des renforts au corps expéditionnaire (242 c-243 a) : or, elle fit partir dix vaisseaux avec Eurymédon dans l’hiver de 414/413[52], et, l’année suivante, une armée et une flotte sous le commandement de Démosthène. Comment le Ménexène peut-il affirmer (243 d) que les Athéniens gagnèrent non seulement la bataille des Arginuses, mais le reste de la guerre du Péloponnèse, quand l’épouvantable désastre d’Ægos Potamoi fit tomber plus de cent soixante-dix trières athéniennes aux mains de l’ennemi[53], et réduisit la ville à capituler après quatre mois de siège ? En vérité, ce sont bien là les éloges dont se moque Socrate au début du dialogue, en disant (234 c) qu’ils célèbrent également τὰ προσόντα καὶ τὰ μή. On n’est pas moins surpris d’entendre dire que les guerres médiques n’ont pas encore été célébrées dignement par la poésie et que le sujet est encore vierge (239 c), après les élégies composées par Simonide à la gloire de Marathon, de Salamine et de Platées, les éloges prodigués par Pindare à Athènes pour son rôle dans les guerres médiques, après les Phéniciennes de Phrynichos et les Perses d’Eschyle[54].


Ce que Platon pense de ces éloges.

Platon s’est chargé lui-même d’indiquer la valeur qu’il attribue à certains de ces éloges. La dispute des Divinités, où le Ménexène voit la preuve que l’Attique est particulièrement aimée des dieux, est expressément traitée, dans le Critias[55], de légende déraisonnable. Le philosophe n’attache aucune importance à la noblesse de l’origine, exaltée dans le Ménexène ; il est indifférent aux exploits des ancêtres[56]. Quand l’orateur, reprenant un lieu commun de l’oraison funèbre, définit la démocratie athénienne comme une aristocratie, l’éloge peut sembler sincère. Mais qu’on y regarde de près : « les charges sont données à ceux qui paraissent (δόξασιν) être les meilleurs (238 d) ; c’est celui qui passe (δόξας) pour habile et honnête qui a l’autorité et le commandement ». Si l’on se rappelle l’opposition fondamentale que Platon établit entre l’opinion (ou l’apparence) et la réalité, on n’apercevra plus dans ce jugement flatteur qu’un sarcasme, dirigé contre une forme de gouvernement pour laquelle le philosophe aristocrate n’éprouvait que dédain[57]. L’anecdote sur le procédé employé à Érétrie par l’armée de Datis pour ne laisser échapper aucun ennemi (240 ab) est rapportée dans les Lois (698 d) avec un sourire, comme un racontar au moins suspect[58]. Et l’on peut se demander si ce n’est point par ironie que l’auteur du Ménexène insiste sur d’autres parties de son éloge. La glorification des victoires remportées dans les guerres médiques est-elle entièrement sincère ? Le doute est permis, quand on voit l’Athénien des Lois (707 cd) mentionner dédaigneusement Artémision et Salamine, en opposant au salut matériel des individus, assuré par ces triomphes, l’amélioration des âmes comme un avantage beaucoup plus précieux[59]. Les accents que trouve le Ménexène pour célébrer la réconciliation des partis après la chute des Trente (243 e, 244 ab) ont une beauté émouvante, et il n’est pas douteux que Platon ne souhaite dans la cité l’union des cœurs. Mais le neveu de Charmide, le cousin de Critias est-il tout à fait sincère quand il cite en exemple la manière dont cette réconciliation s’est opérée ? Ne serait-ce pas plutôt une ironique et amère allusion au guet-apens[60] où furent massacrés les Trente[61], retirés à Éleusis[62] ?


La forme de l’Éloge. La composition.

Si l’on examine la forme de l’éloge, on est encore conduit à la conclusion que l’auteur, dépouillant sa manière habituelle, a voulu exécuter un pastiche de l’épitaphios traditionnel. Ce qui frappe d’abord, c’est la rigueur de la composition, et le souci que prend l’auteur de la faire ressortir. L’exorde annonce l’éloge et les conseils ; la παραίνεσις se divisera elle-même en exhortation et consolation (236 be). L’éloge devra suivre l’ordre naturel : il portera d’abord sur la naissance, puis sur la nourriture et l’éducation ; ensuite il abordera les actions (237 ab). Or l’εὐγένεια a eu pour premier fondement l’autochtonie (237 b). Il convient donc de célébrer d’abord le pays ; du même coup sera célébrée l’εὐγένεια, (237 c).

Dans chacun des développements se retrouve la même préoccupation de distinguer et de classer exactement les thèmes. L’Attique a droit à des éloges universels, d’abord et surtout parce qu’elle est aimée des dieux (237 c). Un deuxième sujet de louange est qu’elle n’a voulu enfanter que l’homme, etc. (237 d). La production du blé et de l’orge est venue la première, celle de l’olivier a suivi (238 a). Les premiers soins sont rappelés par θρεψαμένη καὶ αὐξήσατα (238 b). Avant de passer au régime politique, l’orateur a soin de résumer par γεννηθέντες καὶ παιδευθέντες ; (238 b) les trois points qui viennent d’être développés. Une formule analogue (239 a τεθραμμένοι… καὶ καλῶς φύντες) reprend l’indication des thèmes déjà traités et sert de transition à l’exposé des exploits.

L’orateur commence par annoncer avec précision le sujet de ce long développement : les Athéniens ont défendu la liberté des Grecs contre les Grecs et contre les Barbares (239 ab). Les exploits légendaires sont résumés en quelques lignes, et nettement opposés à ceux qui vont suivre. Même souci que plus haut de l’ordre chronologique. Les hauts faits des guerres médiques sont introduits par la formule : Ἔστι δὲ τούτων ὧν λέγω πρῶτα (239 c). L’orateur insiste sur la succession des rois perses : ὁ μὲν πρῶτος Κῦρος…, ὁ δὲ ὑὸς…, τρίτος δὲ Δαρεῖος (239 de). Il ne manque pas de faire observer que pour Marathon, Salamine et Artémision, Platées, l’ordre des temps est aussi l’ordre d’importance. Noter (240 d) τὰ ἀριστεῖα, τὰ δευτεραῖα ; plus loin (241 c) τρίτον δὲ λέγω. Quand il en vient aux luttes soutenues plus tard contre les Perses, il n’oublie pas de dire μετὰ δὲ τοῦτο (241 d). Le passage aux guerres livrées contre les cités grecques est fortement marqué par une formule qui résume le développement précédent, et annonce l’objet du suivant (241 e-242 a). Notons μετὰ δὲ τοῦτο (242 a), plus loin μετὰ δὲ ταῦτα (242 c). La guerre de Sicile est annoncée avec plus de précision encore par τρίτος δὲ πόλεμος (242 d). Plus loin, μετὰ δὲ ταῦτα etc. (243 d) appuie sur le rétablissement de la paix et introduit la mention de la guerre civile. Avec μετὰ δὲ ταῦτα (244 b) s’ouvre la période où Athènes se replie sur elle-même et s’isole. À la fin de l’éloge, tous les exploits célébrés sont résumés une dernière fois, dans une phrase où l’orateur s’excuse d’avoir dû omettre la plupart et les plus glorieux des hauts faits (246 a).

Certains critiques ont porté sur cette ordonnance accusée un jugement favorable[63]. Même s’il était fondé, serait-il juste d’attribuer à la composition du discours un caractère proprement « platonicien », et d’en conclure que l’auteur a voulu donner un modèle à l’oraison funèbre, en montrant tout ce que le genre pouvait gagner à une disposition claire et rigoureuse[64] ? À cet égard, nous dit-on, le Ménexène rappelle le premier discours de Socrate dans le Phèdre[65]. Il est vrai que, dans le Phèdre, Socrate reproche à Lysias le désordre de la composition, en faisant voir que le discours doit ressembler à un organisme vivant, où les diverses parties sont proportionnées entre elles et avec l’ensemble (264 bc). Mais, en reprenant l’Éroticos de Lysias, il veut d’ailleurs montrer qu’aux yeux du philosophe cet essai pèche par la base, faute d’une définition préalable de l’objet à traiter[66], et c’est à établir cette définition qu’il s’applique. Le cas est différent dans le Ménexène, où l’auteur ne se préoccupe que de distinguer les points à développer, sans aucun souci de donner une définition philosophique, et, loin de fuir les redites, blâmées par Socrate chez Lysias, paraît au contraire les rechercher.

Il est plus légitime, croyons-nous, de relever ce qu’a de laborieux[67] — tranchons le mot : de pédantesque — une disposition annoncée et poursuivie jusqu’au bout avec une infatigable insistance. Ces distinctions complaisamment établies, et reprises sans fin, sentent la manière de l’école et les procédés de la rhétorique. Beaucoup plus qu’au premier discours de Socrate dans le Phèdre, elles font songer au discours d’Agathon dans le Banquet[68]. Ici et là, c’est la même méthode de division et de subdivision appliquée avec une fastidieuse monotonie[69], les mêmes reprises des points déjà traités avant de passer à la suite[70], le même scrupule affecté de ne rien avancer sans preuve[71].

Il y aurait d’ailleurs des réserves à faire sur l’enchaînement interne des thèmes qui forment l’éloge du Ménexène[72]. L’effort de l’orateur pour les rattacher l’un à l’autre et les tirer d’un même motif fondamental trahit cette recherche du tour de force et ce goût du paradoxe qui caractérisent la rhétorique sophistique. Il s’agit de montrer que les ancêtres (et la conclusion s’applique aux morts qui sont l’occasion du discours) se sont conduits en gens de cœur (237 a). Or ils ont été tels parce qu’ils avaient pour pères des gens de cœur : bref, leur valeur est un effet de l’εὐγένεια. Cette εὐγένεια résulte elle-même de l’autochtonie (237 b) : c’est donc à l’autochtonie qu’est ramenée en définitive toute cette partie de l’éloge. — D’autre part, l’égalité politique (ἰσονομία), principe de la démocratie athénienne, a pour cause l’égalité de naissance (ἡ ἐκ ἴσου γένεσις, ἰσογονία, 238 de[73]), qui est un résultat de l’autochtonie. Or l’égalité politique produit l’esprit de liberté, et c’est pour la liberté que les Athéniens ont combattu contre les Grecs et contre les Barbares (239 ab). De sorte que l’autochtonie a encore été le principe de ces luttes glorieuses. C’est elle, enfin, qui explique la disposition des Athéniens à secourir les Grecs et à repousser les Barbares, car elle a assuré l’unité et la pureté de leur race (245 cd).


Le style de l’éloge

Le style proprement dit offre tous les artifices habituels du discours d’apparat, toutes les recherches savantes[74] qu’avait cataloguées et fixées l’enseignement des rhéteurs. On y voit défiler les σχήματα chers à la prose d’art depuis Gorgias : les isocôla, les parisa, les antithèses[75], les homoeoteleuta[76], les paréchèses[77], les paronomases[78] ; en outre l’hyperbole[79], la redondance[80], et l’oxymoron[81]. Si l’emploi n’en est pas poussé, comme dans le fragment de Gorgias, jusqu’au ridicule, il est néanmoins assez étendu pour qu’on puisse tirer du Ménexène une étude complète des procédés de la rhétorique contemporaine. Il suffit, pour en prendre une idée, de relire l’exorde du discours. Denys d’Halicarnasse a blâmé ces « ornements superflus[82] » qui cachent mal la banalité de l’idée ; il reproche à Platon d’être descendu aux figures de déclamateur mises à la mode par Gorgias (25, τὰ θεατρικὰ τὰ Γοργίεια) ; il signale dédaigneusement les redondances (26), l’emploi de l’antithèse et de la parisosis (25), se demandant si c’est Platon que l’on entend, ou bien Licymnios et Agathon[83].

Un autre genre d’ornements recommandé par les écoles de rhéteurs pour ces sortes de discours, ce sont les mots et les locutions empruntés au langage de la poésie. Le Ménexène n’a pas manqué d’y recourir[84]. On note même au passage des trimètres iambiques[85].


La seconde partie du discours.

Ces conclusions, relatives au contenu de l’éloge, à la composition et au style, sont-elles applicables à la seconde partie du discours ? Remarquons d’abord le caractère traditionnel de certains motifs de la consolation. La sollicitude de la cité pour les fils des citoyens tués à l’ennemi (248 d sq.) est mentionnée chez Thucydide (II, 46), Lysias (71-76) et Hypéride (41-42). Pour consoler les parents des morts, le Ménexène leur rappelle que leur vœu n’était point d’avoir des enfants immortels, mais vertueux et glorieux : souhait qui a été exaucé ; comparer Lysias, 77-79. L’allusion à la conscience que les morts gardent dans l’Hadès (248 b) reparaît dans Hypéride (43) sous une forme plus affirmative. La mention des jeux funèbres organisés par la cité (249 b) figure dans l’épitaphios de Lysias (80). Enfin la formule de congé qui clôt le discours du Ménexène est analogue à celle qui termine l’oraison funèbre de Périclès (Thuc., II, 46), et se retrouve chez le Pseudo-Démosthène (37).

Denys d’Halicarnasse, si sévère pour l’éloge du Ménexène, manifeste au contraire une grande admiration pour la seconde partie du discours, qu’il reproduit en entier. De nos jours, on a signalé le caractère profondément platonicien de cette consolation. La prosopopée des soldats morts rappelle la fameuse prosopopée des Lois dans le Criton[86]. Dans cette idée que rien n’a de valeur sans la vertu et que, séparée d’elle, toute science n’est que πανουργία (246 e), on reconnaît une thèse chère à Platon. La République (387 d) déclare, comme le Ménexène (247 d), que l’homme doit faire dépendre son bonheur de lui-même et non des biens qui lui viennent du dehors[87]. Faut-il donc admettre que l’auteur du Ménexène a pris ici son sujet au sérieux, et qu’au lieu d’une parodie il nous offre, à la fin de son oraison funèbre, un modèle d’éloquence platonicienne ? En ce cas, on comprendrait mal qu’il eût juxtaposé dans le même discours deux parties si différentes par le ton et par l’intention.

Il est vrai que les railleries formulées dans le préambule dialogué ne visent que l’éloge. On ne saurait en être surpris. La nature même de la consolation ne prêtait pas aux défauts que Platon relevait dans l’éloge traditionnel. Lui-même n’aurait pu sans inconvenance traiter avec légèreté ce grave et douloureux sujet. Mais qu’il ait voulu y parler en son nom, qu’il s’y soit pleinement abandonné à l’émotion du citoyen et à la méditation du philosophe, c’est ce qu’il est permis de mettre en doute. Cette déclaration qu’il n’est pas de vraie science sans justice et sans vertu répond ailleurs à une conception platonicienne[88] ; est-elle ici autre chose qu’une banalité ? Gorgias reconnaît lui-même (Gorgias, 457 b) que l’orateur doit user de la rhétorique avec justice[89] : reste à s’entendre sur le sens et l’application du principe. Dans les consolations aux parents, dans les conseils adressés aux fils des morts, on attendrait de Platon l’affirmation que l’âme est immortelle : or la consolation se borne à faire allusion à l’autre monde (246 d), et à évoquer l’accueil que les fils recevront de leurs pères au séjour des morts, dans des termes vagues qui ne sortent pas du lieu commun (247 c). Et, plus loin, le sentiment que les morts peuvent avoir des vivants est donné comme une simple hypothèse (248 b). Hypéride, sur ce point, est plus affirmatif que Platon.

La richesse des idées dans la παραμυθία est plus apparente que réelle. Le conseil donné aux parents de supporter leur deuil avec mesure revient à quatre reprises[90] ; de même l’exhortation adressée aux fils de pratiquer à leur tour la vertu[91]. Plus loin, l’orateur rappelle sous trois formes différentes que la cité donne une armure aux orphelins de guerre, quand ils sont arrivés à l’âge d’homme[92]. C’est assurément une haute et belle idée que Platon énonce en rappelant que chacun doit faire dépendre son bonheur de lui-même et non de la fortune[93]. Mais elle est rattachée au développement par un lien fort artificiel, à l’aide d’un raisonnement qui sent le sophisme[94]. Il y a de même une subtilité paradoxale dans l’expression de cette pensée (247 a) : « Sachez que, si nous vous sommes supérieurs en vertu, cette victoire fait notre honte, comme la défaite, si nous vous sommes inférieurs, fait notre bonheur. »

Quant au style, il offre dans la consolation la même recherche que dans l’éloge, et l’emploi des mêmes figures[95]. Denys d’Halicarnasse, en dépit de son jugement favorable, en fait lui-même la remarque[96].


Le sens du Ménexène.

Nous pouvons répondre maintenant à la question du début. Le préambule dialogué annonçait un pastiche de l’oraison funèbre traditionnelle, et notamment de l’éloge en vogue dans cette forme d’éloquence. Socrate laissait clairement entendre que ce discours serait un badinage, et que, loin de vouloir donner aux rhéteurs une leçon et un modèle, il parlerait comme n’importe lequel d’entre eux. L’épitaphios du Ménexène répond à cette promesse. C’est un exercice d’école, où Platon a scrupuleusement suivi le plan habituel et reproduit la méthode et le ton des éloges, en présentant les faits sous le jour le plus favorable à Athènes, sans égard à la vérité historique, et en les enjolivant avec les figures et les raffinements de style enseignés par la rhétorique du temps. Dans le Gorgias, Socrate demande à Calliclès (521 a) : « Quelle est donc la sorte de soins que tu m’invites à prendre à l’égard des Athéniens ? Explique-toi : est-ce celle qui consiste à lutter contre eux pour les rendre meilleurs, comme fait un médecin, ou bien celle qui me donnerait envers eux une attitude de serviteur et de flatteur ?[97] » Plus loin (521 d) : « Je ne cherche jamais à plaire par mon langage, j’ai toujours en vue le bien et non l’agréable, je ne puis consentir à faire toutes ces jolies choses que tu me conseilles[98] ». Et enfin (527 c) : « Toute flatterie envers soi-même ou envers les autres… doit être évitée[99] ». Comment pourrait-il prendre au sérieux ou approuver un éloge qui n’est qu’une longue κολακεία[100] ? L’intention railleuse de l’auteur est encore soulignée par l’impossibilité sur laquelle repose le Ménexène : Socrate, mort en 399, y fait évoquer par Aspasie les événements de 387. Platon a pris ailleurs[101] des libertés avec la chronologie ; mais aucun dialogue n’en offre d’exemple aussi frappant que cette anachronisme grossier et voulu.

Nous nous refusons donc à voir dans le Ménexène une tentative pour réformer l’oraison funèbre, « en y introduisant toute la dose de philosophie et de vérité que comporte un genre de composition destiné au grand public »[102]. Nous ne croyons pas davantage que Platon, traitant la même matière que les rhéteurs, avec les mêmes ornements, ait voulu, par une disposition plus rigoureuse, montrer ce qui faisait défaut dans leurs discours et prêtait à la critique[103] ; ni qu’il ait cherché à battre la rhétorique avec ses propres armes[104]. D’ailleurs il serait peut-être excessif de vouloir trouver ici une caricature de l’épitaphios traditionnel[105]. Sans doute est-ce affaire de goût et d’impression. Mais les jugements si opposés qu’on a portés sur le sens et le ton de l’ouvrage semblent bien prouver que la parodie n’y a pas été — au moins partout — poussée à la charge. En fait, les procédés de l’école sont exactement appliqués dans le Ménexène, avec une sûreté de main qui peut faire illusion : il faut y regarder de près pour découvrir çà et là dans le pastiche la pointe d’exagération qui décèle l’ironie du dessein.

On a cru parfois trouver dans le Ménexène un mélange de plaisant et de sérieux. En voulant railler les rhéteurs, Platon a été dominé, nous dit-on, par son sujet, et entraîné, comme malgré lui, au pathétique[106]. Cette opinion pourrait se soutenir en effet pour quelques endroits du discours, notamment pour la seconde partie. Nous avons vu cependant que, même dans les passages où la nature du sujet lui imposait un ton plus grave, Platon n’a cessé de reproduire les procédés de l’école. C’est ailleurs qu’il faut chercher l’intention sérieuse de l’ouvrage. En imitant fidèlement l’esprit et la méthode de l’épitaphios traditionnel, Platon s’est moqué de la rhétorique. Mais sous cette forme railleuse, il a dénoncé les dangers d’une éloquence qui, au lieu de poursuivre et d’éclairer les âmes, ne songe qu’à les empoisonner par la flatterie. La critique n’atteint pas seulement les rhéteurs : elle frappe aussi le public athénien, qui leur prête une oreille complaisante, et se laisse bercer par des éloges mensongers[107]. Il se persuade, à les entendre, que l’histoire d’Athènes n’a été qu’une suite de hauts faits, et que leur cité s’arroge justement la gloire d’exploits communs à d’autres États grecs ; il s’imagine que la démocratie est vraiment le gouvernement des meilleurs, et qu’Athènes s’est toujours montrée dans le monde le champion désintéressé de la liberté et du droit ; il prend à son compte les services rendus par les ancêtres, sans voir l’abîme qui sépare des combattants de Marathon les hommes coupables d’avoir signé la paix honteuse d’Antalcidas[108].

Contre l’intention satirique du Ménexène on a fait valoir, il est vrai, l’opinion des anciens, qui paraissent avoir pris le discours au sérieux. Hermogène le considère comme le plus beau des panégyriques[109]. Denys d’Halicarnasse, qui en critique impitoyablement le début, semble en approuver la fin sans réserve[110], et, s’il reproche à Platon l’emploi des procédés de la rhétorique, c’est sans y soupçonner une raillerie[111]. Il faut admettre enfin que les Athéniens eux-mêmes s’étaient entièrement mépris sur l’esprit du Ménexène, s’il faut en croire Cicéron : il rapporte[112] que l’épitaphios de Platon était tous les ans débité à Athènes. Mais le jugement du rhéteur Hermogène n’a rien de surprenant : il prouve que le discours du Ménexène répondait parfaitement, pour l’ordonnance et le style, à l’enseignement de l’école. Denys s’est mépris sur l’objet de l’ouvrage[113], en isolant l’oraison funèbre du dialogue qui l’encadre et en éclaire le dessein. Il en a étudié la forme sans prendre toujours garde au fond ; et lui-même nous donne la mesure de son inintelligence quand il soutient (23) que les éloges de l’Amour dans le Banquet sont le plus souvent indignes de Socrate : pas plus dans le Ménexène que dans le Banquet il n’a flairé la parodie. Si le témoignage de Cicéron est exact, il faut en conclure que le public athénien, toujours heureux de s’entendre louer, ne regardait pas de très près à la valeur ni au sens de l’éloge : le Ménexène lui-même ne dit pas autre chose (235 d)[114]. L’intention de l’auteur n’était plus comprise ; le nom de Platon ajoutait à l’éclat du discours, et sans doute ses admirateurs eux-mêmes se réjouissaient-ils de le voir passé maître dans l’art oratoire[115]. Mais cet endroit de l’Orator est suspect. Bake, Kayser, O. Jahn y ont reconnu une interpolation[116], peut-être amenée par le passage du Ménexène (249 b) où sont rappelées les fêtes funèbres célébrées annuellement à Athènes.

Replacé dans l’ensemble de l’œuvre de Platon, et rapproché du Gorgias, le Ménexène manifeste clairement sa signification : il est un épisode de la lutte engagée par son auteur contre la rhétorique, et comme le « drame satyrique » qui fait suite à la « tragédie » du Gorgias[117]. Pour attaquer la rhétorique, pour faire voir la banalité pompeuse, le vide, les exagérations menteuses et le danger d’un genre faux par excellence — celui de l’éloge funèbre —, Platon a eu recours au pastiche : le Gorgias et le Banquet, sans parler du Phèdre, montrent assez l’art merveilleux qu’il savait déployer dans cet exercice.



L’authenticité du Ménexène.

L’authenticité du Ménexène, contestée ou niée par Ast, Suckow, Schaarschmidt, Susemihl, Steinhart et Zeller[118], n’est plus guère mise en doute aujourd’hui. Elle est démontrée par les preuves internes, si l’on admet contre Schleiermacher que le discours prononcé par Socrate s’accorde avec les railleries du dialogue au lieu de s’y opposer par son caractère. Elle est expressément confirmée par le témoignage d’Aristote[119].


Qui vise le Ménexène ?

Reste à savoir si le Ménexène est dirigé contre un orateur déterminé. Pourquoi le discours est-il présenté comme l’œuvre d’Aspasie (236 a sq.) ? La fiction ne peut tromper personne, et le jeune Ménexène donne à entendre qu’il n’en est pas dupe[120]. Cette affirmation fantaisiste se rapporte peut-être à quelque invention bouffonne de l’ancienne comédie, qui n’avait point épargné Aspasie, et attribuait à ses leçons l’éloquence de Périclès[121]. Platon a pu y prendre l’idée plaisante de mettre sous le nom de cette courtisane célèbre son propre discours, composé, dit-il, avec des rognures de l’oraison funèbre de Périclès (236 b). D’autre part, Socrate prétend avoir lui-même Aspasie pour maître d’éloquence (235 e, 236 ab). C’est d’elle qu’il a recueilli ce discours, et il a failli recevoir des coups parce qu’il manquait de mémoire. Il va sans dire que c’est encore là une plaisanterie. Socrate fréquentait chez Aspasie[122], dont il est possible que la comédie, par une autre imagination saugrenue, ait fait de lui le disciple[123]. L’hypothèse prendrait de la vraisemblance, si Connos, que Socrate désigne comme son maître de cithare, devait être identifié avec le musicien Connas, tourné en dérision par les comiques[124].

Mais Platon paraît avoir eu un autre motif, quand il prête à Aspasie l’oraison funèbre du Ménexène. En associant son nom à celui de Connos, le vieux cithariste qui enseignait la musique aux enfants[125], Socrate veut indiquer que ses prétendus maîtres sont de valeur également médiocre[126]. Et pour se faire mieux entendre, il les place ironiquement l’un et l’autre au-dessus d’un musicien célèbre, Lampros, et d’un orateur réputé, Antiphon (236 a). Par là il montre le peu de cas qu’il faut faire du discours annoncé. Mais ce dédain ne tombe pas seulement sur l’oraison funèbre du Ménexène. Il atteint du même coup celle de Périclès, elle aussi composée, suivant Socrate, par Aspasie (236 b), qui a rassemblé les restes inutilisés pour en former le présent discours. L’une et l’autre n’ont pas plus de valeur aux yeux du philosophe que s’ils étaient réellement l’œuvre d’une femme[127]. Rappelons que, si Périclès est nommé avec éloge dans le Phèdre (269 e), le Gorgias se montre pour lui fort dur : il lui reproche, comme aux autres orateurs athéniens, d’avoir perdu la cité, en lui offrant des douceurs pour la flatter, au lieu de lui inspirer la moralité et la justice (503 c sq.).

Platon a-t-il donc voulu donner dans le Ménexène une parodie de l’éloquence de Périclès, ou plus exactement de l’oraison funèbre rapportée par Thucydide[128] ? C’était l’avis de Denys d’Halicarnasse[129]. La comparaison des deux discours fait apparaître en effet quelques ressemblances[130], assez caractéristiques pour qu’on soit en droit de conclure que Platon a eu sous les yeux le texte de Thucydide[131]. Mais le contenu des deux œuvres est fort différent[132]. Tout l’exposé historique qui, dans le Ménexène, forme la plus grande partie de l’éloge, est absent de Thucydide. Après quelques mots sur la valeur des ancêtres, Périclès annonce qu’il laisse de côté ce sujet connu, pour s’arrêter longuement sur les institutions et les mœurs d’Athènes (Thuc., II, 36) : or, sauf l’endroit relatif à la constitution athénienne, où Platon semble commenter ironiquement Thucydide, rien ne répond, dans le Ménexène, à ce développement sur le caractère athénien. Au reste, Socrate le faisait prévoir, en donnant son discours comme un assemblage de tous les morceaux de rebut qui n’avaient pas trouvé place dans celui de Périclès[133]. Quant à la forme, le Ménexène n’offre avec Thucydide d’autre analogie que l’emploi de certains σχήματα devenus de règle dans l’éloquence d’apparat.

D’autres ont pensé que Platon imitait surtout l’oraison funèbre attribuée à Lysias[134]. Elle est intitulée Pour les soldats qui allèrent au secours de Corinthe, et les derniers éditeurs[135] en placent la date en 392 ou 386. Son objet la met donc en rapport étroit avec le Ménexène. Nombreuses, d’autre part, sont les ressemblances que présentent les deux discours, pour le fond[136] comme pour la forme[137]. S’il était vrai que le Ménexène s’inspirât de Lysias et fût dirigé contre lui, on voit les conclusions intéressantes qu’il y aurait à en tirer pour les relations de Platon et de Lysias, en rapprochant du Phèdre le Ménexène. A. Croiset estime que le Ménexène répond très probablement, comme le premier discours de Socrate dans le Phèdre, à un discours de Lysias, dont Platon combattait l’école[138]. Mais peut-on tenir pour certaine l’authenticité de l’Épitaphios ? On fait valoir qu’Aristote le cite avec éloge, d’ailleurs sans en indiquer l’auteur, et que le Pseudo-Plutarque n’hésite pas à l’attribuer à Lysias ; enfin, qu’Isocrate l’a imité[139]. Cependant, après avoir été souvent contestée, en particulier par Valckenaer et Sauppe[140], l’authenticité n’est plus guère admise aujourd’hui[141], depuis le vigoureux plaidoyer de Blass[142].

À supposer d’ailleurs que Platon ait connu le discours de Lysias, et l’ait eu en mémoire quand il écrivait le Ménexène, rien ne prouve avec certitude qu’il l’ait particulièrement visé. Il convient en cette matière d’être circonspect, et de ne pas attacher une signification trop précise à certaines analogies, même frappantes. N’oublions pas que Platon s’attaquait ici à un genre d’éloquence dont le plan et la méthode, le contenu et la forme avaient été fixés par une tradition déjà longue. Rien d’étonnant, par suite, si toutes les productions de cette sorte — discours réellement prononcés, comme celui d’Hypéride, ou simples exercices d’école — offrent entre elles un air de famille et même des ressemblances littérales, qui risquent d’être trompeuses[143]. Cette conclusion nous semble applicable à une autre hypothèse : celle qui tient le Ménexène pour directement imité de Gorgias[144]. Il est beaucoup plus probable que Platon, sans s’interdire des allusions ou des réminiscences particulières, a surtout cherché à reproduire, pour donner à sa critique toute la portée possible, l’esprit et les procédés de l’épitaphios en général[145].


La date du Ménexène.

Le Ménexène n’est pas antérieur à 387, puisqu’il y est parlé de la paix d’Antalcidas[146]. Il ne doit pas avoir été écrit longtemps après, car il ne fait aucune allusion aux événements qui suivirent[147]. Il faut donc en placer la date vers 386[148].

CONSPECTUS SIGLORUM


T = cod. Venetus app. class. 4, cod. 1 (sub fin. xi uel init. xii saec.)

W = cod. Vindobonensis 54, suppl. phil. gr. 7 (fortasse saec. xii).

F = cod. Vindobonensis 55, suppl. phil. gr. 39 (saec. xiv).


  1. Ménexène, 234 ab.
  2. id. — Il a donc atteint dix-huit ans, l’âge de l’éphébie, où le jeune Athénien était inscrit sur le registre de son dème, et entrait en possession de la plupart de ses droits civils. L’intention qu’il manifeste d’aborder la vie politique semble même indiquer qu’il est tout près de la vingtième année.
  3. Cf. Wendland, Die Tendenz des Platonischen Menexenus (Hermes, 1890, p. 171) ; H. Raeder, Platons philosophische Entwickelung, p. 126.
  4. La loi qui l’institua remontait peut-être à la première guerre médique.
  5. Même avant les guerres médiques, suivant Pausanias (I, 29, 5).
  6. Instituée ou réorganisée par Solon (Diogène de Laërte, Sol., 8).
  7. Thucydide, II, 34, 3.
  8. id., II, 34, 6 ; Démosthène, Cour., 320.
  9. Platon, Ménexène, 294 b ; Lysias, II, 80 etc.
  10. Γοητεύουσιν (235 a), κηλούμενος ; (235 b).
  11. Ἀνδρῶν σοφῶν (234 c) ; δέξιοι (235 c).
  12. 236 c.
  13. 236 d ; cf. Berndt, De ironia Menexeni Platonis, Münster, 1881, p. 24 ; Wendland, o. l., p. 180 ; Th. Gomperz, Les penseurs grecs, II, p. 465.
  14. Voir Berndt, o. l., p. 45.
  15. Wendland, o. l., p. 186-187.
  16. Médée, 825 sq. ; Ion, 267, 589-590 ; fragm. 362 (Érechthée), v. 7 sq. cité par Lycurgue, C. Léocr., 100.
  17. Panégyr., 24, 63 ; Panath., 124.
  18. Isocrate, Panégyr., 25 ; Archid., 108 ; Platon, Rép., 470 d ; Lycurgue, C. Léocr., 21, 47, 85.
  19. Sous le sanctuaire d’Érechthée, une citerne enfermait les eaux qu’avait fait jaillir le trident de Poséidon.
  20. Hellén., VI, 5, 46 sq.
  21. Panégyr., 70 ; Archid., 42 ; Aréop., 75 ; Panath., 168-171.
  22. Rhét., II, 22, 1396 a.
  23. Ibid. ; cf. Isocrate, Panégyr., 71 sq.
  24. Il faut, naturellement, laisser de côté le fragment de Gorgias cité par Planude, et dont le style est si caractéristique. Il n’apprend rien sur la disposition du discours dont il faisait partie, oraison funèbre réellement prononcée à Athènes, suivant Philostrate (Vies des Soph., I, 9, 5), ou, plus probablement, simple exercice d’école.
  25. Nous n’avons pas l’oraison funèbre qu’il fut chargé de prononcer après Chéronée (338).
  26. Rhetores graeci (éd. Spengel), vol. III, p. 418 sq.
  27. Hypéride nous donne la preuve que ce plan traditionnel s’imposait, en quelque sorte, aux orateurs de discours funèbres : il s’excuse de passer rapidement sur le motif de l’autochtonie et sur celui de l’éducation.
  28. Wendland, o. l., p. 189.
  29. Thucydide, I, 104, 109, 110. En 455, les Athéniens restés en Égypte furent attaqués par les troupes de Mégabyze, chassés de Memphis, et finalement faits prisonniers, après avoir été bloqués dix-huit mois dans l’île de Prosopitis. Au printemps de 454, cinquante trières athéniennes et alliées, ayant abordé à la bouche Mendésienne, furent anéanties pour la plupart.
  30. En 459, Athènes, alliée contre Sparte avec Argos et Mégare, avait débarqué en Argolide des troupes qui furent battues par les Corinthiens et les Épidauriens. En 458, elle défit une flotte péloponnésienne et assiégea Égine (Thucydide, I, 105).
  31. Vaine expédition entreprise contre Pharsale, en 454, de concert avec la Béotie et la Phocide, pour rétablir Oreste, roi de Thessalie (Thucyd., I, 111) ; désastre essuyé en 440 par Tolmidès près de Coronée (Thucyd., I, 113) ; soulèvement de l’Eubée en 446 ; massacre de la plupart des Athéniens résidant à Mégare et ravage de la plaine de Thria par les Péloponnésiens (id., I, 114).
  32. Il se borne à dire : « La tranquillité étant revenue, et la paix faite avec les autres ».
  33. Cf. Thucydide, II, 40.
  34. Vingt trières athéniennes et cinq vaisseaux d’Érétrie avaient cependant participé à l’expédition contre Sardes, à la prise et à l’incendie de la ville (Hérodote, V, 99-103).
  35. Suivant Hérodote (VIII, 1, 2) la flotte grecque d’Artémision, forte de 271 vaisseaux, ne comptait que 127 navires athéniens ; à Salamine, les Grecs avaient réuni 198 vaisseaux auprès des 180 bâtiments fournis par Athènes (id., VIII, 44-48).
  36. En fait Athènes n’avait mis en ligne que 8 000 hommes sur les 38 700 hoplites (Hérodote, IX, 28, 29) qui formaient le gros de l’armée, et l’ensemble des troupes grecques, où plus de vingt cités, en dehors d’Athènes et de Lacédémone, étaient représentées par vingt-cinq mille hoplites, obéissait aux ordres du Spartiate Pausanias.
  37. En 426, elle veut empêcher les Péloponnésiens de tirer des approvisionnements de la Sicile, et soumettre l’île à sa domination (Thucyd., III, 86) ; en 415, le secours donné à Égeste contre Sélimonte n’est qu’un prétexte (id., VI, 6). — L’exposé du Ménexène brouille la suite des faits. D’après Thucydide (III, 86-105) Athènes envoie en 426 vingt vaisseaux aux Léontins, en guerre avec Syracuse, qui ont fait valoir d’anciens traités ; entre 426 et 424 se placent l’expédition contre les îles d’Éole, la prise de Myles, la soumission de Messine, la descente opérée à Himère. Mais ces événements sont antérieurs à la paix de Nicias.
  38. Xénophon, Hell., III, 5.
  39. Son rôle dans la guerre de Corinthe ne fut pas de premier plan ; elle semble avoir eu peu de part, en 395, à la victoire d’Haliarte, où elle n’était représentée que par un détachement ; elle se fit battre avec ses alliés au combat de Corinthe (Xénophon, Hell., IV, 2), où les six cents cavaliers envoyés par elle furent durement éprouvés : la bataille de Coronée, en 394, fut un succès pour Agésilas (id., IV, 3), et, malgré des avantages de détail, les Athéniens ne purent empêcher la guerre de se poursuivre longtemps.
  40. La haine naturelle d’Athènes contre les Barbares (245 d) ne l’empêcha pas d’accueillir l’or perse ; en rappelant (245 ab) que la cité releva ses murs et sa flotte, l’auteur néglige de dire que ce fut avec les subsides reçus de Pharnabaze par Conon (Xénophon, Hell., IV, 8). C’est son profit qu’elle trouvait à soutenir Pharnabaze dans sa lutte contre Lacédémone.
  41. Wendland, o. l., p. 191. — L’initiative de la paix vint en réalité de Lacédémone, et non du Grand Roi. Il y eut deux moments dans les négociations. Celles qu’Antalcidas avait engagées avec Tiribaze en 392 échouèrent. Mais ce ne fut pas seulement par l’intervention des Athéniens (Xénophon, Hell., IV, 8) ; et, d’autre part, l’opposition d’Athènes se fondait beaucoup moins sur le désir de soustraire les Grecs d’Asie au joug de la Perse que sur la crainte égoïste de perdre Lemnos, Imbros et Scyros. Dans la suite, les Athéniens ne se trouvèrent pas isolés, comme le prétend le Ménexène : leur alliance avec Thèbes et Argos tenait toujours ; mais Conon avait été emprisonné par Tiribaze ; Téleutias s’était emparé de 10 trières athéniennes ; enfin Antalcidas, ayant négocié une alliance avec le Grand Roi et défait dans l’Hellespont une escadre athénienne (387) grâce aux renforts fournis par la Perse et par Syracuse, tenait la mer avec plus de quatre-vingts vaisseaux, empêchant la flotte du Pont de regagner Athènes (Xénophon, Hell., V, 1). Craignant une issue malheureuse de la guerre, harcelés par les corsaires d’Égine, et las de la lutte, les Athéniens répondirent avec empressement à l’appel de Tiribaze. Avec leurs alliés et leurs anciens ennemis, ils acceptèrent la paix dictée par le Grand Roi, et qui lui livrait les Grecs d’Asie ; comme les autres ils s’engagèrent à l’observer. — Suivant Diodore de Sicile (XIV, 110), ils se résignèrent à la paix, bien qu’indignés de l’abandon des Grecs d’Asie, parce qu’ils étaient incapables de soutenir la guerre. Mais cette indication sommaire ne tient pas compte des phases successives de la négociation.
  42. Wendland, o. l., p. 183 ; cf. Shawyer, The Menexenus of Plato, 1906, p. xi sq.
  43. D’après Thucydide (I, 108) ce fut une victoire pour les Lacédémoniens et leurs alliés ; selon Diodore de Sicile (XI, 80) le résultat fut incertain et les deux partis s’attribuèrent la victoire.
  44. Milt., 4. Par contre le Ménexène ne mentionne que 300 navires au lieu de 600 (Hérodote, VI, 94) ou 500 (Nepos).
  45. VI, 94.
  46. I, 108.
  47. On a proposé d’entendre : après deux jours de lutte, interprétation assurément possible, mais que rend peu vraisemblable la tendance générale de l’éloge.
  48. Xénophon, Hell., I, 6, 16, etc.
  49. id., I, 6, 24.
  50. Wendland, o. l., p. 83.
  51. Nepos, Milt., 5 ; cf. Hérodote, VI, 108.
  52. Thucydide, VI, 16.
  53. Xénophon, Hell., II, 1, 20 et 28.
  54. Lysias se borne à dire du sujet qu’il va traiter que la poésie et l’éloquence n’en ont pas encore épuisé la richesse (Épit., 1, 2).
  55. 109 b. Cf. Berndt, o. l., p. 10 sq.
  56. Théétète, 173 d, 174 d, 157 b. Cf. Wendland, o. l., p. 179.
  57. M. Hoffmann, Zur Erklärung Platonischer Dialoge (Zeitschr. f. d. Gymnasialw., LIX, 1905, p. 330) ; Th. Gomperz, Les penseurs de la Grèce, II, p. 465 ; H. Raeder, o. l., p. 126 ; F. Blass, Die altische Beredsamkeit, I, p. 468 ; Wendland, o. l., p. 187.
  58. Wendland, o. l., p. 188.
  59. Blass, o. l., p. 469.
  60. P. Cloché, La restauration démocratique à Athènes en 403 av. J.-Ch., p. 291.
  61. Ou une partie d’entre eux.
  62. Xénophon, Hell., II, 4, 43.
  63. Blass, o. l., p. 469, en fait ressortir la rigueur logique ; il loue l’habileté avec laquelle s’enchaînent les différentes parties, et compare ici l’art de Platon à celui d’Isocrate. — un rapprochement d’où il y aurait précisément à tirer des conclusions fort instructives sur les véritables intentions de Platon.
  64. C’est l’avis de A. Croiset, Sur le Ménexène de Platon (Mélanges Perrot, p. 59 sq.).
  65. A. Croiset, o. l., p. 60.
  66. Phèdre, 287 c sq.
  67. Wendland, o. l., p. 83.
  68. Dès le début, Agathon indique les deux points à traiter (194 e) : I. Manière dont il faut louer l’Amour ; II. Éloge de l’Amour. — I. Pour le louer, il convient de montrer sa nature, puis ses bienfaits. A. Nature de l’amour : il est le plus heureux, parce qu’il est le plus beau et le meilleur, a. Il est le plus beau : 1o comme étant le plus jeune : preuves : il fuit la vieillesse et recherche la jeunesse ; 2o étant jeune, il est aussi délicat ; preuve : il établit son séjour dans les âmes douces ; 3o en outre, il est souple ; preuve : sa grâce. b. Il est le meilleur ; en effet : 1o il est juste ; preuve : on se met volontairement à son service ; 2o tempérant ; preuve : l’amour est supérieur aux plaisirs ; 3o habile ; preuve : il rend poète qui lui plaît, etc. Conclusion : étant le plus beau et le meilleur, il ne peut manquer de procurer aux autres les mêmes avantages. En effet, il nous inspire la sociabilité, nous enseigne la douceur, etc. — Cf. Wendland, o. l., p. 183.
  69. 194 e, πρῶτον μὲν… ἔπειτα ; 195 a πρῶτον… ἔπειτα ; 195 a πρῶτον… ; 196 d καὶ πρῶτα μὲν… ; 195 a φημὶ οὖν…, 195 b ἀλλὰ φημὶ…
  70. 195 c νέος μὲν οὖν ἐστι, πρὸς δὲ νέῳ ἁπαλός ; 196 a νεώτατος μὲν δή ἐστι καὶ ἁπαλώτατος, πρὸς δὲ τούτοις ὕγρος… ; 196 c περὶ μὲν οὖν κάλλους τοῦ θεοῦ καὶ ταῦθ’ ἱκανὰ καὶ ἔτι πολλὰ λείπεται, περὶ δὲ ἀρετῆς… ; 196 c πρὸς δὲ τῇ δικαιοσύνῃ… περὶ μὲν οὖν δικαιοσύνης καὶ σωφροσύνης καὶ ἀνδρείας τοῦ θεοῦ εἴρηται, περὶ δὲ σοφίας λείπεται…
  71. 195 ab μέγα δὲ τεκμήριον… ; 195 d καλῷ οὖν δοκεῖ μοι τεμήρίῳ, id., τῷ αὐτῷ δὴ καὶ ὑμεῖς χρησώμεθα τεκμηρίῳ… ; 196 a μέγα τεκμήριον.
  72. Berndt, o. l., p. 48.
  73. L’orateur joue (238 e) sur le sens de ἀνώμαλοι : de ce que les autres cités sont composées d’éléments de diverse origine, il conclut à l’inégalité des droits.
  74. Berndt, o. l., p. 26 sq., en a fait une étude détaillée ; cf. Stallbaum, Praefatio ad Menexenum, p. 9 ; Blass, o. l., p. 471.
  75. 236 d κοινῇ μὲν ὑπὸ τῆς πόλεως — ἰδίᾳ δὲ ὑπὸ τῶν οἰκείων ; 236 e ἔργων εὖ πραχθέντων — λόγῳ καλῶς ῥηθέντι ; 238 c καλὴ μὲν ἀγαθῶν, ἡ δ’ἐναντία κακῶν.
  76. 236 e τοὺς μὲν τετελευτηκότας ἱκανῶς ἐπαινέσεται, τοῖς δὲ ζῶσιν εὐμενῶς παραινέσεται, etc.
  77. Ex. 240 d πᾶν πλῆθος καὶ πᾶς πλοῦτος.
  78. Ex. 237 b οὖδὲ… μετοικοῦντας…, ἀλλ’οἰκοῦντας.
  79. 246 a πολλὰ μὲν τὰ εἰρημένα καὶ καλά, πολύ δ’ ἔτι πλείω καὶ καλλίω τὰ ἀπολειπόμενα (s’il en est ainsi, pourquoi avoir commis la maladresse de ne pas retenir les exploits les plus glorieux ?) ; 246 b πολλαί γὰρ ἂν ἡμέραι καὶ νύκτες οὐχ ἱκαναὶ γένοιντο τῷ τὰ πάντα μέλλοντι περαίνειν.
  80. 236 e παρὰ τῶν ἀκουσάντων (relevé par Denys) n’est là que pour donner un pendant à τοῖς πράξασι ; 237 d ἄγονος καὶ καθαρά ; 237 e μόνη καὶ πρώτη ; 238 a κάλλιστα καὶ ἄριστα, etc.
  81. 239 c ὧν δὲ οὔτε ποιητής πω δόξαν ἀξίαν ἐπ ἀξίοις λαβὼν ἕχει.
  82. Περὶ τῆς λεκτικῆς Δημοσθένους δεινότητος, 25.
  83. La ressemblance que nous avons signalée, pour la composition, entre le discours du Ménexène et celui d’Agathon dans le Banquet se retrouve en effet dans l’emploi des σχήματα.
  84. 236 d τὴν εἱμαρμένην πορείαν ; 237 b ἔπηλυς (appliqué à ἡ γένεσις) ; 237 e πηγαὶ τροφῆς : le lait (blâmé par Denys, 28) ; 238 a πόνων ἀρωγή (l’huile) ; 245 d μῖσος ἐντέτηκε τῇ πόλει (souvenir de Sophocle, Él., 1311 ; cf. Stallbaum, o. l., p. 10).
  85. 238 e καλὴ μὲν ἀγαθῶν, ἡ δ’ ἐναντία κακῶν (signalé par Kaibel ; cf. Trendelenburg, o. l., p. 15, note) ; 245 d καθαρὸν τὸ μῖσος ἐντέτῃκε τῇ πόλει (Trendelenburg, id., 25).
  86. A. Croiset, o. l., p. 61.
  87. Berndt, o. l., p. 55 ; Blass, o. l., p. 469, note 2.
  88. A. Croiset, op. laud., p. 61.
  89. Berndt, o. l., p. 11.
  90. 247 c ὡς ῥᾷστα φέρειν τὴν ξυμφοράν ; 247 d φέροντες ἀνδρείως τὰς συμφοράς ; 248 a οὔτε λυπούμενος ἄγαν ; 248 c βαρέως φέροντες. Cf. Berndt, o. l., p. 55.
  91. 246 d. Pour qui déshonore les siens il ne vaut pas la peine de vivre ; 246 e il faut donc pratiquer la vertu ; sans elle tout n’est que honte et vice ; 247 a les fils doivent surpasser leurs pères sous peine de les déshonorer ; 247 ab il n’est rien de plus honteux que d’être honoré non pour soi, mais pour la gloire de ses ancêtres. Cf. Berndt, o. l., p. 55.
  92. 249 a πανοπλίᾳ κοσμήσασα ; id. ὄργανα τῆς πατρῴας ἀρετῆς διδοῦσα ; 249 b ὅπλοις κεκοσμημένον. Ajouter 249 a ἀποπέμπει ἐπὶ τὰ φρέτερ’ αὐτῶν et 249 b ἰέναι ἐπὶ τὴν πατρῷαν ἑστίαν.
  93. 247 e-248 a. Cicéron a traduit cet endroit dans les Tusculanes, 5, 12.
  94. L’orateur part de la maxime courante, « Rien de trop », qui implique le conseil d’éviter l’excès dans la douleur comme dans la joie. Mais il croit devoir justifier le dicton populaire par une explication philosophique qu’il fait venir de loin, et qui répond à une idée toute différente. L’homme ne doit pas s’affliger de la perte des biens extérieurs : ni les combattants de la perte de leur vie, ni les parents de celle de leurs fils.
  95. Berndt, o. l., p. 11.
  96. O. l., 26. Parison et homoeoteleuton : 248 d τοῦς μὲν παιδεύοντες κοσμίως, τοὺς δὲ γηροτροφοῦντες ἀξίως (cité par Denys) ; 246 d οὔτ’ ἐπὶ γῆς, οὔθ’ ὑπὸ γῆς ; redondance, allitération et paréchèse : 247 a καὶ πρῶτον καὶ ὕστατον καὶ διὰ παντὸς πᾶσαν πάντως προθυμίαν πειρᾶσθε (cité par Denys) ; cf. 248 d τρέφοντες — καὶ τρέποντες ; 249 c πᾶσαν πάντων παρὰ πάντα τὸν χρόνον ἐπιμέλειαν ; oxymoron : 247 d δόξουσι τῷ ὄντι ; jeu de mots : 246 e οὔτε… πρέποντα φαίνεται ἀλλ’ ἀπρεπῆ, καὶ ἐπιφανέστερον ποιεῖ τὸν ἔχοντα καὶ ἐκφαίνει τὴν δειλίαν.
  97. Trad. A. Croiset.
  98. id.
  99. id.
  100. Berndt, o. l., p. ix. Voir dans le Banquet, la critique que fait Socrate des éloges qui viennent d’être prononcés sur l’Amour (198 d) : « Pour moi, dans ma simplicité, je croyais qu’il fallait dire la vérité sur chaque objet d’éloge, et la prendre pour fondement, en choisissant dans la vérité même les plus belles choses pour leur donner la disposition la plus convenable. Et j’étais très fier à la pensée que j’allais bien parler, connaissant la vraie manière de faire n’importe quel éloge. Mais il paraît que ce n’était pas la bonne façon ; qu’il fallait, au contraire, attribuer au sujet les qualités les plus grandes et es plus belles, vraies ou non, la fausseté étant sans importance. »
  101. Par exemple, dans l’Ion et dans le Banquet.
  102. A. Croiset, o. l., p. 60.
  103. Stallbaum, o. l., p. 10.
  104. Wendland, o. l., p. 180 ; Wilamowitz, o. l., p. 142.
  105. Trendelenburg, o. l., p. 6.
  106. Th. Gomperz, o. l., p. 465.
  107. Voir 235 a sq. Cf. plus haut.
  108. Trendelenburg, p. 6 sq. ; Wilamowitz, o. l., p. 136. Hoeltermann, Platos Polemik im Menon, Euthydemos und Menexenos (Z. f. Gymnasialwesen, 1909, 2-3, p. 81 sq.) semble d’ailleurs aller trop loin en considérant la condamnation de la politique athénienne comme le principal objet du Ménexène.
  109. Περὶ ἰδεῶν, 403.
  110. O. l., 30.
  111. A. Croiset, o. l., p. 59.
  112. Orator, 44.
  113. Stallbaum, o. l., p. 12.
  114. Cf. Berndt, o. l., p. 57 ; Wendland, o. l., p. 175-6.
  115. Berndt, o. l., p. 57 ; cf. Hoffmann, o. l., p. 333.
  116. Cf. Berndt, o. l., p. ix.
  117. Dümmler, Akademika, p. 26.
  118. Cf. Blass, o. l., p. 463, note 5.
  119. Rhét., I 1367 b (allusion à Ménex., 235 d) ; III, 1415 b (id.). Comme l’observe Gomperz, o. l., p. 465, Aristote met toujours sous le nom de Socrate les citations qu’il fait de Platon. Supposer qu’il a ici en vue un propos oral de Socrate, et non le Ménexène, est une hypothèse arbitraire et insoutenable.
  120. 249 e ὅστις σοι ὁ εἰπών ἐστιν αὐτόν, et plus haut 249 d.
  121. Plutarque, Périclès, 24, la qualifie de σοφὴ καὶ πολιτική, et explique ainsi l’ascendant qu’elle exerçait sur Périclès. Une scholie du Ménexène conte sérieusement qu’après avoir formé Périclès à l’éloquence, elle fit de Lysiclès, le marchand de bétail, un habile orateur, comme le rapporte Eschine le socratique.
  122. Plutarque, Périclès, 24 ; Athénée, XIII, 589.
  123. Athénée, V, 219 : « Aspasie enseigna savamment l’éloquence à Socrate ». Cf. Höltermann, o. l., p. 98.
  124. Voir Aristophane, Cav., 584. Wilamowitz, o. l., p. 139, admet sans hésiter cette identification, assurément tentante. Trendelenburg, o. l., objecte que Connas, d’après le scholiaste d’Aristophane, était un joueur de flûte, plusieurs fois vainqueur dans les jeux, et non un cithariste.
  125. Voir Euthydème, 272 c, 295 d.
  126. Wilamowitz, o. l., p. 140.
  127. Suivant Berndt, o. l., p. IV, Platon veut faire comprendre, par la mention d’Aspasie et de Périclès, que son discours imite l’ancienne école de rhétorique, dont la manière se retrouve aussi bien dans l’oraison funèbre de Thucydide que dans celle du Ménexène.
  128. Il n’y a pas de raison, en effet, pour supposer qu’il vise un autre discours de Périclès, ou une autre forme du même discours. Il serait invraisemblable que Platon ignorât, comme le supposait Grote, l’ouvrage de Thucydide. Certains rapprochements permettent même d’affirmer le contraire. Cf. Gomperz, o. l., p. 466, note 1.
  129. O. l., p. 23 : « Platon, à mon avis, imite Thucydide » (dans le discours du Ménexène).
  130. Énumérées par Berndt, o. l., p. 3. Comparer notamment Ménex., 236 d et Thucydide, II, 35 ; Ménex., 238 c, et Thucydide, II, 37, 1.
  131. Berndt, o. l., p. 4.
  132. id.
  133. Berndt, o. l., p. 5.
  134. Stallbaum, o. l., p. 10.
  135. L. Gernet et M. Bizos, Lysias, Discours, tome I, p. 43 (Collection des Universités de France).
  136. L’orateur déclare que son sujet n’a pas encore été épuisé par la poésie ni par l’éloquence (2), cf. Ménex., 239 c ; il rappelle les victoires remportées sur les Amazones, les Thébains, et sur les Argiens pour la défense des Héraclides (4-16), cf. Ménex., 239 b ; il glorifie les exploits des guerres médiques, Salamine et Platées (20-27), cf. Ménex., 239 c sq.) ; il célèbre l’hégémonie bienfaisante d’Athènes (54), etc. Comparer encore 48 et Ménex., 242 a.
  137. Comparer 47 et Ménex., 241 d ; 48 et Ménex., 242 a ; 55, 61 et Ménex., 243 c.
  138. O. l., p. 62. Höltermann, o. l., p. 98, est, sur ce point, d’un avis analogue ; il croit que Platon exagère à dessein les défauts de la rhétorique de Lysias, mais qu’il cherche à améliorer le contenu du discours critiqué, par des emprunts faits à l’oraison funèbre de Périclès.
  139. M. Bizos, o. l., p. 45. Sans se prononcer nettement en faveur de l’authenticité, M. Bizos fait valoir les raisons qui la rendent soutenable.
  140. Berndt, o. l., p. 6.
  141. Wilamowitz (o. l., p. 127, note 1) estime scandaleux qu’on puisse encore la défendre. Toutefois M. Bizos a très bien montré que les arguments de Blass ne sont pas décisifs. Cf. Hoffmann, o. l., p. 329.
  142. O. l., p. 436 sq.
  143. Voir M. Erdmann, PseudoLysiae oratio funebris, 1881, p. 6 ; Hoffmann, p. 328-329. Trendelenburg, qui croit pourtant que Platon a eu sous le yeux le discours de Lysias, juge le Ménexène dirigé contre l’épitaphios en général (o. l., p. 9). Wendland, o. l., p. 181, tout en considérant le Ménexène comme imité de Gorgias, fait remarquer que la manière de Gorgias était alors devenue dominante. Cf. Raeder, op. laud., p. 127.
  144. À en croire Dümmler (o. l., p. 24) Platon a en vue l’épitaphios prononcé par Gorgias en 391. D’après Berndt, c’est aussi Gorgias qu’il faut chercher derrière le nom d’Aspasie, et c’est lui que Platon a imité, sans songer d’ailleurs à un discours déterminé (o. l., p. 15 sq.). Quand il prétend avoir failli recevoir des coups d’Aspasie, Socrate, dit-il, fait allusion aux procédés en usage dans l’école de Gorgias (p. 23). Platon feint d’avoir abandonné la philosophie pour l’enseignement du célèbre sophiste.
  145. On ne sait quel sens attribuer à la mention d’Archinos et de Dion (234 b). Archinos est l’homme d’État qui, aux côtés de Thrasybule, lutta contre les Trente en 403, et après le rétablissement de la démocratie, contribua énergiquement à la réconciliation des partis. Mais, après cette date, sa carrière ne nous est plus connue. On ignore tout de Dion, qu’il faut peut-être identifier avec l’Athénien de ce nom, député avec Conon auprès de Tiribaze en 392 (Xénophon, Hell., IV, 8, 13). L’affirmation de Denys d’Halicarnasse (o. l., p. 23) que Platon donne son discours (ὡς δὲ αὐτός φησιν) comme imité d’Archinos et de Dion, est fantaisiste. Toutefois Archinos avait composé une oraison funèbre, et Krüger a supposé que le Ménexène est dirigé contre elle. Hölterman pense (o. l., p. 98) que Platon vise un épitaphios écrit par Lysias pour Archinos ou Dion, en 387.
  146. Il est donc impossible de le tenir avec Dümmler (op. laud., p. 21) comme composé peu après 391 ou 390.
  147. Raeder, o. l., p. 125. Raeder tire aussi cette conclusion (p. 66) du caractère des anachronismes qui se relèvent dans le dialogue. Wendland (o. l., p. 192) place le Ménexène entre 387 (ou 385) et 380.
  148. En 386 suivant Wilamowitz (o. l., p. 127) ; de même Shawyer, o. l., p. vi ; vers 387, d’après Höltermann (o. l., p. 101) et Hoffmann, p. 328 ; en 387 ou 386, selon Trendelenburg (o. l., p. 6).