Martin l’enfant trouvé ou les mémoires d’un valet de chambre/VI/3

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III


CHAPITRE III.


histoire de basquine. (Suite.)


— Avant de continuer ce récit… mon bon Martin, et pour te préparer à entendre des choses… que tu croiras à peine, — reprit Basquine, — dis-moi : connais-tu l’aventure du bon Louis XV avec Mlle Tiercelin ?

— Non… — répondis-je à Basquine, assez surpris de cette question, — je ne connais pas cette aventure.

— Durant mon séjour chez le duc de Castleby, — reprit Basquine, — j’ai été par hasard à même de lire beaucoup d’écrits sur le règne de Louis le Bien-Aimé. Voici l’aventure : Ce bon roi passant un jour par les Tuileries, remarqua dans le jardin une petite fille de onze ans à peine… entends-tu bien, Martin ?… de onze ans à peine… C’était l’enfant d’un bourgeois de Paris, nommé Tiercelin, qui vivait de ses rentes… le roi eut un caprice pour cette petite fille, et… elle fut mise dans le lit royal par la marquise de Pompadour, rivale indulgente, comme vous voyez.

— Oh !… cela est infâme, — m’écriai-je avec stupeur. — Basquine poursuivit avec son impassibilité sardonique.

— Louis XV fut, chose assez rare, fidèle pendant deux ans à la petite Tiercelin… Cette fidélité épouvanta courtisans et courtisanes, et, par suite de je ne sais quelle intrigue du duc de Choiseul, la pauvre enfant fut, ainsi que son père, jetée à la Bastille,… tous deux y restèrent quatorze ans[1].

— Aussi, l’histoire dit-elle Louis-le-Bien-Aimé !… — reprit Bamboche en éclatant de rire.

— La morale de ceci — reprit Basquine, avec son accent de raillerie amère — c’est que Louis XV était un naïf écolier auprès du milord-duc de Castleby, et qu’il eût mieux valu pour moi rester en prison quatorze ans que de vivre comme j’ai vécu… dans l’opulente maison du milord-duc.

Effrayé de l’expression de Basquine, lorsqu’elle prononça ces derniers mots, je m’écriai :

— Tu as donc été retenue par force auprès de cet homme ?

— Non… — me dit-elle — j’y suis restée volontairement.

Et comme je paraissais ne pas comprendre la contradiction de ses paroles, Basquine continua :

— Avant de te citer l’aventure de Louis le Bien-Aimé j’en étais restée, je crois, à ma présentation au milord-duc ; vêtue d’une magnifique toilette enfantine, portant ma belle poupée d’une main, je donnai l’autre à ma gouvernante ; et nous traversâmes d’abord une magnifique galerie de tableaux, puis des salons tous plus splendides les uns que les autres, et nous arrivâmes à l’appartement particulier du milord-duc ; à l’exception de ses deux valets de chambre de confiance, aucun des gens de la maison ne pénétrait jamais dans ces appartements. Ma gouvernante s’arrêtant avec moi devant une porte recouverte de velours rouge, sonna d’une façon particulière ; l’un des deux hommes de confiance nous ouvrit, il échangea quelques mots en anglais avec miss Turner, qui me remit alors aux mains de ce nouveau personnage et me dit : « — Corso (c’est le nom de ce valet de chambre italien) va vous conduire auprès de monseigneur, soyez bien sage, comportez-vous comme une petite lady bien élevée et souvenez-vous de tous mes conseils. » — La porte se referma sur ma gouvernante, je restai seule avec ce Corso, dont la figure à la fois efféminée et basanée, les yeux noirs, perçants, profondément charbonnés, m’inspiraient une vague répulsion. — « Si Mademoiselle veut me suivre, — me dit-il respectueusement en me prenant par la main, — je vais la conduire auprès de Monseigneur. » — Et Corso me fit traverser un premier salon, puis une espèce de boudoir complètement lambrissé de glaces, dont le plafond était en glaces, ainsi qu’une partie du parquet ; Corso toucha à un ressort que je n’aperçus pas, un panneau de glace glissa dans une rainure, et tenant toujours mon guide par la main, je le suivis avec une inquiétude croissante dans un corridor complètement obscur, et garni d’épais tapis où s’amortissait le bruit de nos pas. Au bout de quelques minutes, une porte s’ouvrit, Corso me poussa légèrement devant lui, et lorsque je me retournai vivement vers mon conducteur, il avait disparu, et il me fut impossible de reconnaître par quelle issue j’étais entrée. De ma vie, je n’oublierai cette scène : Je me trouvais dans une espèce de rotonde toute tendue de draperies noires semées de larmes d’argent et éclairée par une lampe funéraire aussi en argent ; la senteur pénétrante des parfums les plus suaves et les plus violents remplissait cette pièce sépulcrale, meublée d’une sorte de banc circulaire en ébène poli, sans oreillers ni coussins. Au milieu de la rotonde était une table recouverte d’un tapis de velours noir, brodé d’argent comme la housse d’un cercueil ; sur cette table je vis un petit ménage comme disent les enfants, mais un petit ménage d’une magnificence incroyable ; toutes les pièces de ce service en miniature étaient en or, rehaussé d’émail et de pierres fines ; je remarquai surtout une soupière grande comme une tasse, un chef-d’œuvre d’orfèvrerie ; rien ne manquait, depuis des plats de toute dimension jusqu’à des huiliers et carafes de cristal de roche, grandes comme des flacons de poche, et des salières où un pois eût tenu à peine.

— Et les paysans des domaines de cet homme, parqués à moitié nus dans des tanières, disputaient leur nourriture aux pourceaux, — lui dis-je, car le tableau de cette horrible misère était sans cesse devant mes yeux.

— Ces gens-là, mon brave Martin, — dit Bamboche, — élèvent, nourrissent et conservent le gibier à grand frais, mais ils ne tiennent pas à conserver le paysan…

— J’étais à la fois éblouie et effrayée de ce que je voyais, — reprit Basquine. — J’aperçus plus loin sur une étagère à dessus de marbre noir, toute une batterie de cuisine en argent et dans les mêmes proportions que le service, un grand réchaud, sous lequel brûlait de l’esprit de vin, devait servir de foyer et de fourneau ; il n’y avait dans ces préparatifs enfantins rien d’inquiétant ; mais le profond silence qui régnait dans cette pièce tendue de draperies funèbres, commençait à m’effrayer, lorsque l’un des pans de la tenture se souleva. Alors… je crus rêver ; je vis entrer, à cheval sur un de ces grands chevaux de bois, superbes jouets qui se meuvent par un ressort caché, je vis entrer un homme de taille moyenne, assez replet, et paraissant avoir soixante ans environ ; il portait une perruque blonde à longs tire-bouchons ; un grand col de chemise rabattu et une veste très-courte à laquelle se boutonnait son pantalon… en un mot, ce singulier personnage était vêtu comme un petit garçon de mon âge… Pour compléter l’illusion sans doute, il soufflait de toutes ses forces dans une petite trompette de fer blanc. Ce fut ainsi qu’il fit le tour de la rotonde, en cavalcadant sur son cheval de buis.

— Heureusement c’était un fou ! — m’écriai-je en respirant après un moment d’horrible angoisse.

— Un fou ? — dit Basquine, en me regardant ; — puis elle ajouta, en échangeant un regard avec Bamboche, — oui, mon bon Martin… c’était un fou…

Et après un instant de silence, Basquine reprit :

— Milord-duc, car c’était lui, se laissait en effet aller parfois à des… manies qui touchaient à la folie. Ma première impression, à la vue de ce vieillard, grotesquement vêtu en enfant de dix ans et jouant comme un enfant de cet âge, fut d’éclater de rire… Mais ce rire n’ayant aucun écho dans cette profonde et sinistre solitude, car milord-duc ayant cessé sa cavalcade, était descendu de cheval, et, muet, impassible, me couvait de ses petits yeux bleus clairs, qui luisaient au milieu de sa figure d’un rouge de sang, l’épouvante me gagna de nouveau et atteignit bientôt à son comble, car ce qui m’avait d’abord paru si bouffon me semblait alors de plus en plus effrayant, je me mis à pleurer et à pousser des cris aigus.

— Et cela était effrayant, en effet, — dis-je à Basquine, — il me semble faire un rêve horrible…

— Il fallut, — reprit-elle, — les paroles affectueuses, paternelles du milord-duc (il parlait très-bien français) pour me calmer et me remettre en confiance… Lorsqu’il me vit rassurée, changeant aussitôt de ton et sans faire la moindre allusion à la manière dont il m’avait fait recueillir sur la grande route, et aux soins que depuis l’on avait eus pour moi, il me dit en affectant le zézaiement d’une prononciation enfantine ; — « Tu m’appelleras Toto, tu me tutoieras, nous allons faire la dînette… Tu as là une bien belle poupée !… Oh ! mais moi aussi j’ai de beaux joujoux… je te les ferai voir, mais faisons d’abord la dînette… »

Et comme je regardais Basquine d’un air stupéfait, pouvant à peine croire ce que j’entendais, elle reprit avec son sourire sardonique :

— Et Toto, duc et pair d’Angleterre, jouissait naturellement dans le monde de toute la considération, de toute l’autorité qu’imposent un grand nom et une fortune immense… de plus, comme il avait daigné représenter son pays dans je ne sais quelle ambassade de cérémonie, deux ou trois souverains l’avaient bardé de leurs plus beaux cordons… Du reste, — ajouta Basquine avec un redoublement d’ironie, — lorsqu’il n’était pas habillé en Toto, milord-duc avait l’air respectable et sévère. Par hasard, je le vis un soir se promener dans sa galerie bras-dessus bras-dessous avec l’archevêque de la ville voisine, car milord-duc était fort bon catholique… et chaque dimanche on disait la messe au château ; le duc, te dis-je, marchait le front haut et fier, portant un grand cordon bleu sur son gilet blanc et une plaque de diamants sur son habit noir… Et vraiment, dans ce grand seigneur… je n’aurais jamais reconnu Toto, avec qui j’avais fait ma première dînette.

— Ah ! si l’on pouvait, pour les voir en dedans, retourner la peau de bon nombre de respectables vieillards, surtout parmi les vieux roués politiques, la pire espèce de dépravés ! — dit Bamboche, — que de Toto on trouverait sous ces masques austères !

— Pour revenir à ma première dînette, — reprit Basquine, — nous la fîmes dans le petit ménage d’or, après avoir préparé ce dîner en miniature dans les casseroles d’argent sur le réchaud à l’esprit de vin. Bientôt, chose assez étrange, les goûts et la gaîté de mon âge reprirent le dessus ; je finis par m’amuser beaucoup de ce passe-temps ; mon camarade Toto se montrait fort expert dans cette cuisine enfantine. Immédiatement après la dînette, Toto me fit voir ses joujoux ; il y en avait d’admirables… et de singuliers… de véritables merveilles de mécanique. Ils avaient dû coûter des sommes considérables. Mais soudain, Toto, s’interrompant au milieu de son exhibition, me dit d’un air désolé : « — Voilà bientôt trois heures, bobonne va venir me chercher pour ma leçon, c’est ennuyant, à demain, pas vrai ? » — Telle fut ma première entrevue avec milord-duc, car, ayant sans doute tiré une sonnette invisible, la porte masquée par laquelle j’étais entrée, s’ouvrit, Corso y apparut, et, sur un signe de son maître, m’emmena par le même chemin que j’avais suivi pour venir, puis il me remit aux mains de Miss Turner, qui m’avait attendue en dehors de la porte de l’appartement particulier de milord-duc. Lorsque, encore tout étonnée, je racontai ces étrangetés à Miss Turner, elle y coupa court en me disant sévèrement : « — Une fois pour toutes, Mademoiselle, pas un mot de tout cela, ni à moi, ni à personne, ou vous perdrez toutes les bontés de Monseigneur. » — Cette première dînette ne fut que ridicule, — reprit Basquine, — mais le ridicule préludait à l’horrible…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

En effet dans ma naïveté j’avais dit à Basquine : — Cet homme est un fou… — La suite de notre entretien, que ma plume se refuse à rapporter, me prouva que cet homme était un de ces monstres conduits à d’effroyables monomanies, et par la satiété, et par le précoce abus de tous les plaisirs que peuvent procurer d’immenses richesses acquises sans labeur, dès l’adolescence, par le fait seul de l’héritage.

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— Du reste, — continua Basquine, — ma gouvernante Miss Turner, semblant complètement ignorer ce qui se passait, toujours réservée, impassible, s’occupait de mon éducation avec une persévérance, avec un zèle résultant de son obéissance aux ordres de son maître. Miss Turner m’apprit donc à lire et à écrire : excellente musicienne, elle cultiva et développa mes dispositions naturelles pour le chant, m’enseigna le piano, le dessin, l’histoire, la géographie ; j’aurais été, comme elle le disait, la fille du milord-duc, que mon éducation, je crois, n’eût pas été suivie avec plus d’intelligence et plus de soin.

— Ce qu’il y a d’affreux — m’écriai-je, — c’est de faire tourner une action généreuse en soi à l’accomplissement des plus monstrueux caprices… de faire marcher ainsi de front le développement de l’esprit… et la plus exécrable souillure…

— En effet, — reprit Basquine, — tandis qu’une moitié de ma vie se passait dans l’étude et dans une sorte d’austérité, car Miss Turner ne se départait jamais à mon égard de son extrême réserve, l’autre moitié de ma vie… se passait dans un enfer,… dont l’effroyable souvenir me poursuivra jusqu’à la mort.

— Et tu ne pensais pas à fuir ? — dis-je à Basquine.

— Je ne le voulais pas, — reprit-elle avec une sorte d’exaltation, — car à cette époque j’ai entrevu, pour la première fois, le but que je veux atteindre, et que j’atteindrai, — ajouta-t-elle avec une sombre résolution.

— Je ne te comprends pas, Basquine…

— Écoute, Martin… tu m’as connue bien malheureuse, n’est-ce pas ?… tu as vu ma douleur quand on m’a arrachée des bras de mon père mourant… tu sais combien mon enfance a été misérable, maltraitée, flétrie… nous avons été saltimbanques, vagabonds, voleurs… eh bien ! malgré cette dégradation si précoce… j’avais toujours au moins conservé au fond de l’Äme quelque vague remords, quelque vague aspiration vers une vie moins souillée… Vous vous rappelez cette soirée dans notre île…

— Oh ! oui… oui… — m’écriai-je.

— On n’en a pas beaucoup de ces souvenirs-là, — dit Bamboche, — et on les garde… dans le bon coin.

— Eh bien ! — reprit Basquine avec une exaltation toujours croissante, — alors je me respectais encore assez à mes propres yeux, pour tâcher d’excuser ma flétrissure, en me disant : — C’est la fatalité, c’est l’abandon qui m’ont faite ce que je suis. — Mais, après quelque temps de séjour chez le milord-duc, je fus si effroyablement dégradée par ce monstre, que je perdis même jusqu’au remords de cette dégradation dernière… Mais aussi, à mesure que l’éducation développa mon intelligence, s’éveilla en moi un besoin, un désir de vengeance, qui grandit de jour en jour… et devint mon idée fixe… incessante. De ce moment, j’acceptai mon sort avec une joie sinistre… Et j’accomplis des prodiges de travail ; tout le temps dont je pouvais disposer, je l’employais à m’instruire, à acquérir autant qu’il était en moi ces talents aimables, ces manières distinguées, séduisantes, qui donnent aux femmes une grande puissance. Le milord-duc, par un raffinement de corruption diabolique, favorisait mes goûts d’étude. Il fit venir pour moi, et moyennant un prix excessif, un excellent professeur de chant et de composition, qui avait, pour ainsi dire, créé les artistes les plus remarquables de cette époque, et dont les œuvres sont maintenant populaires. Mais, à propos de cet artiste, — ajouta Basquine en souriant doucement, — apprends, mon bon Martin, un trait qui t’épanouira le cœur, qui te reposera un moment de toutes les sinistres choses qu’il me faut te conter… Aux yeux de l’artiste dont je te parle, excellent et digne homme s’il en fut, je passais pour la fille adoptive du duc, car je serais morte de honte si mon professeur avait pu supposer ce que j’étais alors… Ce dernier admirait d’autant plus l’apparente sollicitude dont j’étais entourée, qu’il devait lui-même, me disait-il, sa carrière à un être aussi généreux que mystérieux. — « J’étais possédé du feu sacré, — me disait l’artiste, — mais pauvre, inconnu, sans ressources ; les moyens d’étudier me manquaient, car c’est à peine si j’avais du pain ; un jour je vois entrer dans ma mansarde un homme assez âgé, mal vêtu, à l’air dur, à la parole brusque, au regard pénétrant ; ses questions me prouvent qu’il connaît toutes les particularités de ma vie, de ma vocation, et le résultat de sa visite est l’assurance d’une pension qui, en effet, m’a donné les moyens d’étudier, de travailler, de me produire… et de me faire un nom ; malheureusement pour ma reconnaissance, je n’ai vu mon mystérieux bienfaiteur que cette seule fois… — Mais savez-vous au moins son nom ? — dis-je à l’artiste — qui me répondit : — Il m’a dit se nommer Monsieur Just, et l’homme d’affaires chez qui je touchais ma pension n’a jamais voulu m’en apprendre davantage sur cet homme singulier. »

— Monsieur Just… — s’écria Bamboche en interrompant Basquine, — voilà qui devient fort étrange…

— Pourquoi cela ? — lui demandai-je.

— Un jeune peintre, que j’ai connu dans mes jours de prospérité, et qui est maintenant illustre, m’a raconté qu’il devait aussi sa carrière au généreux appui d’un protecteur mystérieux, et qui se nommait aussi Monsieur Just.

— Sans doute, c’est le même ! — m’écriai-je.

— Probablement, — reprit Bamboche, — car, peu de temps après que l’avenir du jeune peintre, le meilleur et le plus honnête garçon du monde (quoiqu’il m’ait connu), a été assuré, un jeune statuaire de ses amis, artiste de la plus belle espérance, mais plongé dans une misère atroce, a été, comme le jeune peintre, miraculeusement secouru par ce diable de M. Just, que ni l’un ni l’autre n’ont vu, non plus, qu’une seule fois… mais qui doit être d’ailleurs joliment renseigné, ou avoir le nez diablement fin, pour si bien placer ses bienfaits, car le jeune statuaire, son protégé, a déjà une grande réputation.

— Ah ! merci, Basquine, merci, — m’écriai-je en respirant, — cela fait du bien… cela calme d’apprendre ces belles et nobles actions. Non, non, tous les hommes ne se dépravent pas par l’opulence ; il est de grandes âmes qui font de la richesse un sacerdoce… car, Dieu soit loué ! s’il y a des duc de Castleby, il y a aussi des M. Just !… Ah ! que ne donnerais-je pas, — m’écriai-je avec enthousiasme, — pour contempler ce grand homme de bien !




  1. Voici ce qu’on lit dans les Mémoires historiques de Peucret, tirés des archives de la police, tome 3, pages 106, 108, 114, etc. :

    « Un des traits qui ont le plus mis en évidence la corruption de la police sous le règne de Louis XV, c’est l’affaire de la demoiselle Tiercelin. C’était une enfant d’une figure charmante, âgée au plus de onze ans, que Louis XV remarqua sur son chemin, en passant à pied dans les Tuileries… Il en parla le soir même à Lebel, son valet de chambre. Celui-ci, pour qui les goûts de son maître n’étaient pas un mystère, pensa vite aux moyens de satisfaire les nouveaux désirs du monarque… La jeune fille fut donc enlevée et livrée au roi… »

    Et, plus loin :

    « La marquise de Pompadour saisit avidement cette occasion de se débarrasser d’une rivale qui pouvait devenir très-dangereuse ; elle fortifia M. de Choiseul dans ses soupçons, et le roi signa, dans un moment de colère, une lettre de cachet contre la fille Tiercelin et contre son père… Les notes secrètes relatives à cette ignominieuse intrigue font voir qu’elle dura depuis 1754, que la jeune Tiercelin fut mise dans le lit du roi, jusqu’en 1756, que l’ordre de renfermer le père et la fille à la Bastille fut signé. Ils y restèrent pendant quatorze ans. »