Aller au contenu

Miroir, cause de malheur, et autres contes coréens/Yun-Whai

La bibliothèque libre.

YUN-WHAI

Yun-Wai — très connu dans le monde littéraire coréen sous le nom de « Moun-Sung » ou « Étoile de Lettres », mieux connu encore dans le milieu populaire sous le nom de « Soul-Doc » ou « Tonneau de Vin » — aimait dans son adolescence à parcourir les provinces lointaines.

Un jour, la nuit le surprit en pleine route et l’obligea à s’arrêter à l’auberge la plus voisine. Mais l’aubergiste lui présenta aussitôt ses regrets de ne pouvoir le recevoir faute de la moindre place :

— « J’ai cédé moi-même ma chambre à un noble voyageur, dit-il, et je suis obligé de passer la nuit avec les miens dans la cuisine. »

Yun-Whai ne sachant que faire s’assit néanmoins sur un rouleau de natte de paille qui se trouvait à l’entrée de la cour, et tout pensif il regardait à quelques pas de lui un enfant jouer gaiement avec une grosse perle à la main. Soudain cette perle lui glissa des mains et vint tomber par terre. Au grand étonnement de Yun-Whai, une oie qui rôdait alors non loin de là se précipita sur la perle et l’avala si vivement que l’enfant n’eut pas le temps de s’en apercevoir.

Ayant perdu sa perle, l’enfant s’en alla en pleurnichant. Bientôt il revint avec son père, l’aubergiste, et tous deux fouillèrent vainement partout. Celui-ci eut des soupçons qui lui furent. confirmés par les réponses hésitantes de Yun-Whai, et il ordonna à ses domestiques de l’attacher solidement à un poteau. Il le menaça avec colère de le dénoncer à la justice dès le lendemain matin.

Cependant Yun-Whai ne protesta pas, n’offrit pas de résistance. Il pria simplement le patron de bien vouloir attacher l’oie à côté de lui, ce qui lui fut accordé.

Le lendemain matin, l’aubergiste vint et constata que la perle était sortie, une fois digérée, pendant la nuit. Alors il se jeta, tout confus, à genoux devant Yun-Whai, et tout en implorant son pardon il lui reprocha de ne lui avoir pas dévoilé tout ceci la veille.

— « Si je vous l’avais dit hier soir, répondit le jeune homme en souriant, vous auriez certainement tué cette oie ! »