Monographie de l’abbaye de Fontenay/Chapitre 5

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Librairie Saint-Joseph (p. 32-35).

CHAPITRE V

Anniversaires de Fontenay


Au xiie et xiiie siècles, les rois, les seigneurs, les peuples subissaient l’heureuse influence de la religion, et mettaient en pratique la parole du Christ : Chercher avant tout le royaume de Dieu. Comme ils trouvaient de puissants intermédiaires dans les moines, ils leur faisaient d’abondantes aumônes, jamais purement gratuites, mais toujours accompagnées d’une condition onéreuse.

Tantôt c’était une dette de reconnaissance dont on voulait s’acquitter envers l’abbaye qui avait ouvert son sein à quelque parent, ou un échange contre un droit à la sépulture dans l’église, avec services réguliers et à perpétuité; ou bien une vente simple, dans un besoin pressant pour les Croisades, pour se procurer l’argent nécessaire, afin d’accompagner son seigneur dans quelque levée de boucliers, ou une aumône pénitencielle pour un crime dont le souvenir pesait sur la conscience. Quelquefois même des biens étaient donnés à condition que les noms des donateurs seraient inscrits dans le calendrier de la communauté et lus publiquement chaque année, comme avaient fait Hugues et Gislebert de Marmagne.

L’abbaye devait acquitter soixante—trois anniversaires fondés par les rois, les ducs, les seigneurs ou même par les colons du voisinage.

En 1259, saint Louis étant à Asnières écouta favorablement les plaintes de nos moines qui lui exposaient leurs misères causées par les guerres, la famine ou la peste. Il les exempta dans toute l’étendue de ses états sur terre, sur eau du Pontanagio, Pedagio et alia quacumque costuma. Pour ce privilège, il demanda des prières en faveur de son père Louis VIII et de sa mère Blanche de Castille. En 1361, le roi Jean fonda également un anniversaire pour ses ancêtres.

La même année le Duc de Bourgogne, Philippe de Rouvres donna à perpétuité 40 livres tournois pour deux anniversaires de Jeanne de Boulogne, sa mère, et Jeanne de Bourgogne, sa sœur, inhumées toutes les deux a Fontenay dans la chapelle des ducs ; la seconde du côté de l’épître.

2 peu près vers la même époque, Marie de Cuiseney, dame du Fain, après avoir plaidé pendant plusieurs années avec l’abbaye pour la forêt qui touchait les murs du monastère, mais surtout pour le chemin entre son parc et le Chaignot, où elle ne voulait pas laisser passer les moines qui allaient dans leur ferme du Pressoir, fait la paix, fonde son anniversaire et réserve spécialement que ce jour-là, les Pères auront un chauveau de vin à la mesure de Flavigny.

Les sires de Grignon demandent dans leur anniversaire trois messes chantées, la première de la sainte Vierge, la seconde du Saint-Esprit, la troisième des morts.

L’anniversaire d’un sieur Guéniot de Semur a un caractère d’originalité qui mérite d’être cité. Pour son service il donne son cheval, ses armes, ses chausses, sa couverture, ses habits, sa maison de Semur, une vigne à Chevigny pour le vin de la messe.

Il est inutile de rappeler les autres anniversaires du sire de Noyers pour son père Mile VIII, de Hugues de Thil, dit Peccatum, de Marie de Beaujeu, dame de Borboillot, de Mathieu d’Étais, de Jean de Châtillon, seigneur de la Roche et de Nolay ; il avait laissé une fondation aux Pères pour qu’ils allumassent deux cierges pendant le chant du Salve.

Outre ces soixante-trois anniversaires, les messes simples étaient si nombreuses qu’un abbé de Clairvaux dans sa visite fait un règlement pour conserver à Fontenay toujours vingt-cinq religieux prêtres afin d’acquitter les charges du couvent.

Dans ces siècles de foi où le salut était tout, seigneurs et manants disaient volontiers comme sainte Élisabeth de Hongrie : « Je donne les choses périssables pour obtenir les choses éternelles, » et échangeaient facilement quelque parcelle de terre ou donnaient quelques livres tournois pour avoir droit aux prières dans lesquelles on demanderait comme les sires de Quincy à J.-C. de « faire merci à l’âme, et de la peine la retraire. »

Ces nobles sentiments s’affaiblissent au xvie siècle, et la prospérité monacale diminue aussitôt. Tous ces anniversaires sont extraits des cartulaires de Fontenay.


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