Page:Émile Faguet - L'Art de lire.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des Pradon, n’ait cherché des raisons d’admirer davantage Racine. Cette pensée est consolante. On peut envisager les mauvais auteurs comme fonction de la gloire des grands. Un bon auteur peut dire des mauvais : « Que serais-je sans eux ? Je semblerais petit. » Un mauvais auteur peut dire d’un bon qui le méprise : « Ingrat ! Serait-il grand si je n’existais pas. »

Tant y a qu’il n’est pas inutile de retremper son goût pour les hommes d’esprit dans le commerce des imbéciles. Certaine table d’hôte a formé mon goût peut-être plus que Sainte-Beuve. Où en serais-je si je n’avais pas lu X… ? Je ne saurais pas le contraire de quoi il faut croire bon ; car il avait une infaillibilité à rebours qui donnait une idée de l’absolu.

Lisons un peu les mauvais auteurs ; à la condition que ce ne soit pas par malignité, c’est excellent. Cultivons en nous la haine d’un sot livre. La haine d’un sot livre est un sentiment très inutile en soi ; mais qui a son prix s’il ravive en nous l’amour et la soif de ceux qui sont bons.