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CHAPITRE VIII

LES ENNEMIS DE LA LECTURE



Jappelle ennemis de la lecture, non pas les multiples choses qui empêchent de lire et dont il faut reconnaître que la plupart sont excellentes, études scientifiques, vie d’action, sports, etc. Il est évident que notre temps n’est pas et ne peut pas être celui des liseurs. Ce que les anciens appelaient d’un mot charmant umbratilis vita n’existe plus guère. Presque personne n’a plus le temps de s’enfermer « à l’ombre » pendant plusieurs jours pour lire un livre. Le livre n’est plus lu que morceau par morceau, vingt pages par vingt pages et c’est-à-dire, même quand il est lu, n’est plus lu du tout, puisque la continuité dans la lecture est nécessaire, non seulement pour juger d’un ouvrage bien fait, mais pour l’entendre.

Un tout petit nombre, — « d’adorateurs zélés à peine un petit nombre » — d’hommes et de femmes aimant à lire composent aujourd’hui un public restreint pour lequel, un peu aussi par habitude, on continue d’écrire. Un auteur, de nos jours, est un moine qui écrit pour son couvent, isolé dans un petit monde isolé. La littérature est devenue conventuelle.