Page:Érasme - Éloge de la folie, trad de Nolhac, 1964.djvu/125

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qu’il y ait le moindre mensonge dans les saintes Écritures, puisque c’est cette conséquence que tu en tires, et il ne s’agit pas du tout ici du duel de Jérôme et d’Augustin. Mais ce qui est la vérité criante, et ce que même un aveugle, comme on dit, est capable de voir, c’est que souvent, par l’inhabileté ou par la négligence du traducteur, le grec a été mal rendu ; que souvent une leçon exacte et fidèle a été altérée par des copistes ignorants (comme nous le voyons tous les jours), parfois même modifiée par des demi-savants peu attentifs. Lequel favorise plus le mensonge, de celui qui corrige et rétablit le texte, ou de celui qui aime mieux laisser une faute que de l’enlever ? D’autant plus que le propre des textes corrompus est qu’une faute en entraîne une autre. Nos modifications portent d’une façon générale plus sur l’expression que sur le sens, quoique souvent le sens dépende pour une grande part de l’expression. Mais il n’est pas rare qu’on se soit complètement fourvoyé. En ce cas, je te le demande, à quoi ont recours Augustin, et Ambroise, et Hilaire, et Jérôme, sinon aux sources grecques. Et bien que cette méthode ait même été approuvée par les décrets ecclésiastiques, tu tergiverses et tu cherches à la réfuter ou plutôt à l’éluder par une distinction. Tu dis qu’en ce temps-là les textes grecs étaient plus corrects que les latins, mais qu’aujourd’hui c’est tout le contraire et qu’il ne faut pas se fier aux livres de ceux qui se sont éloignés de l’Église romaine. J’ai peine à croire que tu sois de cet avis. Comment ! nous ne lirons pas les livres de ceux qui se sont éloignés de la foi chrétienne ? Pourquoi donc accorde-t-on tant d’autorité à Aristote, un païen qui n’a jamais eu rien à faire avec la foi ? Le peuple juif tout entier s’est éloigné du Christ ; les Psaumes et les Prophètes, écrits dans leur langue, n’auront-ils donc à nos yeux aucun poids ? Compte donc tous les points sur lesquels les Grecs ne s’accordent pas avec les Latins orthodoxes : tu n’en trouveras aucun, qui ait son origine dans les paroles du Nouveau Testament ou qui s’y rattache. C’est seulement sur le mot « hypostase », sur la procession du Saint-Esprit, sur les cérémonies de la consécration, sur le pouvoir du Pontife Romain que porte leur controverse. Et ils ne tirent pas leurs preuves de textes falsifiés. Que diras-tu en voyant la même interprétation dans Origène, dans Chrysostome, dans Basile, dans Jérôme ? Est-ce que par hasard en ce temps-là on avait falsifié