Page:Érasme - Éloge de la folie, trad de Nolhac, 1964.djvu/126

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les textes grecs ? A-t-on jamais trouvé une seule falsification dans les textes grecs ? Au reste pourquoi auraient-ils eu l’intention de les falsifier, puisqu’ils n’en tirent pas argument pour défendre leurs dogmes ? Ajoute que Marcus Tullius, qui n’était point par ailleurs trop juste pour les Grecs, avoue lui-même qu’en toute espèce de science les textes grecs étaient plus purs que les nôtres. En effet la différence des lettres, les accents, la difficulté même de l’écriture, sont cause qu’on y peut moins faire de fautes, ou que, s’il s’en produit, on peut plus facilement y remédier.


XXX. — En me disant de ne pas m’écarter de cette édition approuvée sans doute par tant de conciles, tu fais comme les théologiens vulgaires, qui ont coutume d’attribuer à l’autorité ecclésiastique tout ce qui est passé dans le commun usage. Cite-moi un seul synode où l’on ait approuvé cette édition. Car comment approuver ce dont personne ne connait l’auteur ? Ce n’est point Jérôme, ses préfaces elles-mêmes l’attestent. Mais admettons qu’un synode l’ait approuvé : l’a-t-il approuvé pour qu’on ne puisse plus le modifier d’après les sources grecques ? A-t-il approuvé toutes les fautes, qui ont pu s’y glisser de différentes manières ? Le décret des Pères a-t-il été conçu en ces termes : « Cette édition, nous ne savons pas quel en est l’auteur, mais cependant nous l’approuvons ; nous ne voulons pas qu’on y change rien, même si les textes grecs les plus corrects sont différents, même si Chrysostome, Basile, Athanase, Jérôme en ont fait une lecture différente, et quand bien même leur leçon cadrerait mieux avec le sens de l’Évangile ; pourtant, dans tout le reste, nous approuvons fort ces mêmes auteurs. Bien plus, tout ce qui aura été à l’avenir, d’une façon quelconque, corrompu, altéré, ajouté ou omis, soit par des demi-savants et des audacieux, soit par des copistes inhabiles, ivres ou négligents, nous l’approuvons avec la même autorité et nous voulons que personne ne puisse rien changer au texte une fois admis. » — C’est un décret ridicule, dis-tu. — Mais il doit être de cette sorte, si tu invoques l’autorité d’un synode pour nous détourner de ce travail. Enfin que dirons-nous en voyant que les exemplaires de cette édition ne s’accordent pas ? Est-ce que par hasard le synode a approuvé aussi ces contradictions, ayant prévu sans doute les changements que chacun y pourrait apporter ?