Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/13

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même ? Il y a plus, lorsque le satirique n’omet aucune classe de la société, on ne peut mettre en avant qu’il satisfait sa vengeance contre tel ou tel individu, puisqu’il s’en prend à tous les vices. Si donc quelqu’un se trouve blessé et se récrie, c’est qu’il se jugera coupable ou aura à craindre d’être reconnu pour tel. Saint Jérôme lui-même a pris bien d’autres libertés ; il ne s’est même pas privé de citer des noms. Pour moi, non-seulement je ne l’ai pas imité sur ce point ; mais j’ai mis tant de modération dans l’expression, que j’ai cherché plutôt à faire rire qu’à mordre. À l’exemple de Juvénal, je ne suis pas descendu dans la sentine des vices pour la remuer, j’ai plutôt passé gaiement en revue les ridicules que les turpitudes. Si malgré ce, je ne puis trouver grâce auprès de certaines gens, je les prie de considérer qu’il est beau d’être censuré par la Folie, et que, la faisant parler, force m’était bien d’en prendre le personnage. Mais, en vérité, c’est trop insister auprès d’un avocat qui défendrait admirablement ma cause, fût-elle même mauvaise. Adieu, mon savant ami, protégez de votre mieux votre fille adoptive.


De la campagne, ce cinquième jour des ides de juin 1508