Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour qui saint Georges remplace Hercule et même Hippolyte ; qui ornent son cheval de boucles et de harnais précieux, et, s’ils ne l’adorent pas tout à fait, cherchent du moins à se le rendre favorable par des offrandes. Si on les en croyait, les rois seuls peuvent jurer par son casque !

Il y aurait bien d’autres choses à dire de ces personnages qui bercent le peuple avec ces prétendues indulgences, qu’ils se sont fabriquées à eux-mêmes, et qui mesurent, comme avec une clepsydre, la durée du purgatoire ; siècles, années, mois, jours et heures, ils calculent tout sans une minute d’erreur et avec une précision mathématique. Je me borne aussi à indiquer ces imbéciles qui, sur la foi de formules et de prières magiques qu’un pieux imposteur a trouvées pour le bien des âmes ou pour escroquer des écus, ne se promettent rien moins que richesses, honneurs, plaisirs, bonne chère, santé inaltérable, longue vie et verte vieillesse, voire même une place au ciel à la droite du Christ ; dernier avantage dont cependant ils ne veulent user que le plus tard possible, c’est-à-dire lorsque, malgré eux, ils auront été enlevés aux plaisirs de ce monde, auxquels ils se cramponnent de toutes leurs forces. Alors, et alors seulement, ils consentent à goûter la félicité des élus !

Mentionnons en passant le marchand, le soldat ou le juge qui, distrayant de ses rapines une obole pour l’Église, est persuadé qu’il a, par cela seul, purifié toutes les souillures de sa vie : parjures, débauches, ivresses,