Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/88

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leurs ressources à tromper le public, et meurent de faim à la maison. Celui-ci jette son or par la fenêtre, tandis que celui-là cherche à en amasser par tous les moyens, même les moins avouables. L’ambitieux se donne du mal pour arriver aux honneurs ; tandis que l’indolent s’ébaudit au coin de son feu. Combien n’en voyons-nous pas se lancer dans des procès qui doivent s’éterniser et batailler de ci et de là tout le long de leur route, sans autres résultats que d’enrichir un juge trop ami des remises et un avocat qui les gruge. Puis, c’est l’amour de la nouveauté, les grandes entreprises ; par exemple ces dévots personnages qui quittent femmes et enfants pour aller à Jérusalem, à Rome ou à Saint-Jacques, où ils n’ont que faire.

En somme, si, nouveaux Ménippes postés dans la lune, vous examiniez l’éternel va-et-vient de la gent humaine, il vous semblerait voir un essaim de moucherons ou de guêpes se quereller, se batailler, se tendre des embûches, se disputer des dépouilles, jouer, folâtrer, naître, tomber et mourir. On a peine à s’imaginer que tant de catastrophes puissent être amenées par ce chétif animal qui dure un jour. Car il suffit d’une bataille, d’un souffle de peste pour en anéantir des milliers à la fois !

Mais en ce moment je me montre triplement digne de toutes les moqueries de Démocrite, de vouloir compter ainsi tous les fous et en caractériser les espèces. Je veux m’en tenir à ceux qui portent dans ce monde les dehors de la sagesse et courent après le rameau d’or de la science.