Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/87

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tain, sillonne les mers et met en péril sa vie, que tout l’or du monde ne pourrait racheter. On voit encore l’aventurier chercher fortune à la guerre, lorsqu’il pourrait vivre tranquillement au foyer domestique ; l’intrigant calculer comment on peut s’enrichir sans peine, en circonvenant les riches célibataires, — tandis que son camarade vise un même but en faisant la cour à quelque vieille opulente. Mais quel plaisir pour les dieux quand les trompeurs deviennent dupes à leur tour !

De tous les mortels, la classe la plus folle est sans contredit celle des marchands. S’il est quelque chose de moins honorable que leur profession, c’est la façon dont ils l’exercent. Le mensonge, le parjure, le vol, la friponnerie, l’imposture, ils mettent tout en œuvre ; ce qui ne les empêche pas de se croire d’illustres personnages, parce qu’ils ont des anneaux d’or à tous les doigts. Les flatteurs ne leur manquent pas non plus, ne fût-ce que la monacaille mendiante, qui les admire et leur donne du monseigneur, à seule fin que quelque parcelle de ces biens damnablement acquis arrive dans l’escarcelle de la communauté. Il n’est pars rare non plus de rencontrer certains continuateurs de Pythagore qui sont persuadés que tout est commun ici-bas ; si bien que, pour peu qu’une chose soit mal gardée, ils n’hésitent pas à se l’approprier. Leur conscience en est tout aussi tranquille que si ça leur venait par héritage. Certains ne sont jamais riches que d’espérances, ils rêvent la fortune et cela leur suffit. D’autres épuisent