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fabuliste. En effet Ésope fut esclave d’Iadmon, comme le démontre surtout le fait suivant : lorsque les Delphiens, obéissant à un oracle, firent à plusieurs reprises demander par un héraut qui voulait recevoir le prix du sang d’Ésope, il ne se présenta personne, sauf un petit-fils d’Iadmon, nommé lui aussi Iadmon : cela prouve qu’Ésope avait appartenu à Iadmon. »


Discussion du témoignage d’Hérodote.

Tout n’est pas indiscutable dans ce texte. On peut y relever d’abord deux faits qui sont présentés comme notoires. Le premier est l’existence d’Ésope le fabuliste. Il apparaît que c’est un personnage bien connu, puisque son nom est pris comme point de repère pour fixer l’époque où vécut Rhodopis, Le deuxième est la rançon payée par les Delphiens pour le meurtre d’Ésope, Hérodote se contente de faire allusion à ce meurtre, comme s’il était de notoriété publique. Sur quoi s’appuie son assertion ? est-ce sur la tradition orale ? est-ce sur un document conservé à Delphes ? Quoi qu’il en soit, il nous faut décider ici entre Hérodote et ceux qui tiennent Ésope pour un nom supposé. Or que peuvent-ils opposer à l’autorité de l’historien ? Qu’il a été dupe d’une supercherie ? qu’il a cru à l’existence d’un homme imaginé pour être le héros éponyme de la fable, et que la mort d’Ésope à Delphes est le premier effort de l’imagination grecque pour assurer à ce prétendu créateur de la fable une existence réelle et une histoire ? Ces objections ne reposent en somme que sur des vraisemblances, tandis que l’assertion d’Hérodote est formelle et que nous n’avons ni fait ni témoignage à lui opposer. Le plus sûr est donc de nous ranger sous son autorité, et d’admettre qu’il y a eu un fabuliste du nom d’Ésope, et même que ce fabuliste périt à Delphes de mort violente.

Hérodote nous apprend un troisième fait qui n’est pas aussi simple que les deux précédents, c’est qu’Ésope fut le compagnon d’esclavage de Rhodopis, c’est-à-dire esclave d’Iadmon. Il fonde cette dernière assertion, non sur un témoignage, mais sur un raisonnement. C’est parce qu’un Iadmon, petit-fils du maîre de Rhodopis, vint à Delphes recevoir le prix du sang d’Ésope qu’Hérodote en conclut que le premier Iadmon était le maître de notre fabuliste. La