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impunément celui qui a volé vos rayons, et moi qui vous soigne, vous me frappez impitoyablement ! »

Il arrive assez souvent ainsi que par ignorance on ne se méfie pas de ses ennemis, et qu’on repousse ses amis, les tenant pour suspects.



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LES MÉNAGYRTES


Des ménagyrtes[1] avaient un âne qu’ils chargeaient de leurs bagages, quand ils se mettaient en route. Or un jour cet âne mourut de fatigue ; ils le dépouillèrent, firent de sa peau des tambourins, et ils s’en servirent. D’autres ménagyrtes les ayant rencontrés leur demandèrent où était leur âne. « Il est mort, dit-il ; mais il reçoit autant de coups qu’il en a jamais reçus de son vivant. »

Ainsi parfois les serviteurs, même affranchis de l’esclavage, ne sont pas délivrés des charges de la servitude.



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LES RATS ET LES BELETTES


Les rats et les belettes étaient en guerre. Or les rats, se voyant toujours battus, se réunirent en assemblée, et, s’imaginant que c’était faute de chefs qu’ils éprouvaient ces revers, ils se choisirent des stratèges et les élurent à main levée. Or ceux-ci, voulant être distingués des simples soldats, se façonnèrent des cornes et se les ajustèrent. La bataille s’étant livrée, il arriva que l’armée des rats eut le dessous. Alors les soldats s’enfuirent vers leurs trous, où ils pénétrèrent aisément ; mais les généraux, ne pouvant y entrer à cause de leurs cornes, furent pris et dévorés.

Ainsi souvent la vaine gloire est une cause de malheur.

  1. Prêtres mendiants de Cybèle