Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/113

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« Tout ce courroux est contre moi ! pensa Valentine. Eh ! mon Dieu, que dire pour me justifier ? »

Madame de Clairange, apercevant sa belle-fille, prit tout à coup un air de dignité convenable à son offense.

— Vous osez encore vous présenter devant moi ! dit-elle, vous ne rougissez pas de votre fausseté !… Quoi ! lorsque hier je vous parlais du prochain mariage de M. de Lorville, vous avez feint de l’ignorer, et vous n’avez pas su détromper mes regrets en me confiant que c’était vous-même qu’il avait choisie ? Sans ce notaire que j’ai rencontré tout à l’heure en allant savoir de vos nouvelles, je l’ignorerais encore… « Je n’ai pas vu M. de Lorville depuis des siècles, disiez-vous, je ne sais ce qu’il devient… » Et tous ces mensonges n’étaient inventés que pour faire dire au monde : « Cette belle-mère qui prétend l’aimer si passionnément ne s’est pas seulement inquiétée de son avenir !… elle n’est pour rien dans ce beau mariage ; elle ne l’a appris que la veille ! » — Ah ! Valentine, je ne vous croyais pas si ingrate, et je pensais, au moins, par mes soins et ma tendresse, avoir mérité plus d’égards…

Valentine aurait voulu pouvoir répondre à ces élégies en forme de reproche, et calmer le ressentiment de sa belle-mère, auquel elle n’était pas insensible ; mais chaque chose qu’elle essayait de dire pour se justifier était si peu probable, si ridicule, qu’elle aimait mieux passer pour coupable de mensonge que de révéler une vérité qu’elle-même ne pouvait comprendre.

Comment dire, en effet, qu’elle ignorait son mariage, que M. de Lorville ne lui avait jamais rien dit de ce projet, qu’il ne l’avait point priée d’y consentir, et qu’il avait fait dresser lui-même tous ces actes si graves et qui inspirent si peu la plaisanterie, sans l’en avoir prévenue, sans savoir enfin si elle ne s’y opposerait point ? Personne n’aurait voulu la croire, elle aurait passé pour une femme dont on se moquait et M. de Lorville pour un fou ; elle, qui connaissait le penchant d’Edgar pour les actions extraordinaires, avait confiance en lui, mais comment faire partager à une autre cette confiance, et tenter d’expliquer une aventure sans pareille ?

À chaque instant Valentine commençait une phrase pour sa