Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/112

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Alors M. Tomasseau, s’apercevant qu’elle ne l’écoutait plus, se leva en disant :

— J’aurai l’honneur de revenir demain chercher l’acte indispensable ; cependant si madame le retrouvait plus tôt, je la prie de vouloir bien le remettre à M. de Lorville lui-même, qui doit passer ici dans la matinée.

Ces derniers mots réveillèrent Valentine.

— Il doit venir ici ce matin ? demanda-t-elle vivement. Vous en êtes bien sûr… il vous l’a dit ?

Puis elle s’arrêta en songeant combien cette question devait paraître singulière, et se rappelant l’étrange manière dont elle avait reçu M. Tomasseau, elle sentit qu’il fallait redoubler de politesse envers lui pour l’empêcher de prendre d’elle une trop mauvaise opinion.

Elle le reconduisit jusqu’à la porte, en lui adressant une foule de choses bienveillantes ; mais tous ses soins furent inutiles, et elle le vit s’éloigner en hochant la tête d’un air de mépris notarial qui voulait dire : « Cette femme-là n’entend rien aux affaires. »


XXIII.

Valentine n’eut pas le temps de se livrer à ses réflexions.

— Madame, venez vite ! accourut lui dire sa femme de chambre avec inquiétude ; madame votre belle-mère se trouve mal ; elle pleure, elle a des attaques de nerfs, elle se désole, il faut qu’elle ait appris un bien grand malheur.

Valentine se rendit aussitôt chez madame de Clairange, qu’elle trouva en effet au désespoir.

— C’est une indignité ! s’écriait-elle, c’est un monstre d’ingratitude ! moi qui l’aime tant, moi qui ai toujours eu pour elle la sollicitude d’une mère, moi qui l’ai préférée à mes propres enfants, moi qui aurais sacrifié ma fortune et ma vie pour lui épargner un chagrin ! me traiter comme une étrangère ! me laisser apprendre son bonheur par un indifférent que j’ai rencontré par hasard ; me prouver que je ne suis pour rien dans ce qui l’intéresse, et que je ne compte pas même dans sa vie ! Ah ! c’est affreux ! c’est impardonnable !