Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/115

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d’oranger que les jeunes filles ont seules le droit de porter le jour de leurs noces. Les fleurs étaient si belles, le carton doublé de satin blanc était si soigné, qu’on ne pouvait croire à une méprise, et d’ailleurs M. de Lorville avait trop de tact et d’esprit pour être soupçonné de mauvais goût dans une semblable occasion.

Valentine, tremblante, aperçut un billet parmi les fleurs ; il contenait ce peu de mots :

« N’ai-je pas deviné ? »


XXIV.

Valentine sentait alors si vivement son bonheur qu’elle ne songeait plus à l’expliquer. Malgré ce qu’il avait de merveilleux, sa joie excessive, les battements de son cœur, ce feu qui colorait son visage, cette émotion si naturelle, étaient pour elle des preuves irrécusables d’un bonheur réel dont elle ne pouvait douter.

Pour les cœurs qui sentent vivement, tout ce qui les émeut est probable ; de là vient qu’ils croient aux songes, et pleurent encore à leur réveil l’ami dont ils ont rêvé la mort.

Madame de Champléry, livrée aux pensées les plus enivrantes, fut rappelée à elle-même par la voix de sa femme de chambre, qui lui demandait si elle ne voulait pas s’habiller, en disant que tout était préparé pour sa toilette. Valentine se souvint alors que M. de Lorville devait venir, et se hâta de passer dans sa chambre pour être plus tôt prête à le recevoir.

Le matin, en s’éveillant, triste, souffrante, découragée, quand mademoiselle Adrienne était venue prendre ses ordres, elle lui avait dit d’apprêter une de ces robes sans conséquence, bien larges, bien vite attachées, et que l’on choisit de préférence les jours de pluie, de migraine ou de chagrin, enfin lorsque l’on veut être à son aise pour s’ennuyer ; mais un tel costume n’était plus à la hauteur des circonstances : mademoiselle Adrienne l’avait senti avec cet instinct des femmes de chambre qui n’est comparable qu’à celui du castor ou de l’éléphant ; elle avait deviné que cette douillette, apprêtée pour le