Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/116

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désespoir, ne pouvait plus convenir dans l’attente d’une si grande joie, et déjà une robe élégante et d’une blancheur éblouissante, un canezou tout neuf apporté de chez mademoiselle de la Touche, une ceinture nouvelle et du meilleur goût, un de ces rubans séduisants que la femme la plus économe ne peut se refuser, furent, par mademoiselle Adrienne, étalés en silence, sans qu’aucun ordre de sa maîtresse les eût évoqués.

Valentine aperçut tout ce changement, et comme elle ne se souciait plus elle-même de mettre la petite douillette qu’elle avait commandée, elle n’eut pas la mauvaise foi de la réclamer ; elle sut bon gré à sa femme de chambre de lui sauver l’apparence d’un caprice, et d’ailleurs, il y avait dans son air joyeux quelque chose de touchant qui plaisait à Valentine en lui confirmant son bonheur.

L’avenir de ce brillant mariage rendait mademoiselle Adrienne, pour sa part, presque aussi heureuse que sa maîtresse. Elle se réjouissait dans le fond de son âme de lui voir acquérir assez de fortune pour n’être plus obligée de passer une partie de l’année dans cette ennuyeuse Auvergne où elle avait si souvent gémi de la suivre, et se figurait d’avance le beau rôle qu’elle allait jouer au château du duc de Lorville, fêtée, courtisée, adulée par le valet de chambre, le maître d’hôtel, le chasseur, enfin par tous les dignitaires de l’antichambre. Aussi dans son enivrement, jamais elle n’avait habillé sa maîtresse avec plus de recherche et de coquetterie. Valentine, charmée de ces soins qu’elle n’aurait peut-être pas osé prendre, se laissa parer docilement, car elle était si émue, sa main tremblait si fort, qu’elle ne pouvait attacher une épingle sans se piquer.

Ce petit supplice terminé, Valentine resta seule, seule avec sa pensée !

Oh ! qu’elle était douce cette pensée ! Edgar devait venir à quatre heures, elle l’attendait ! Une attente douteuse est déjà un si vif plaisir ! qu’est-ce donc quand on est sûre qu’il va venir, quand il l’a promis ?

Madame de Champléry passa dans son salon, le tableau de Smargiassi frappa ses regards, elle se rappela soudain l’adresse