Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/119

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noble nous donne tant d’aplomb, tant d’autorité et tant de grâce !

Valentine avait essayé de se lever pour recevoir M. de Lorville, mais elle était si tremblante qu’elle fut contrainte de rester assise sur son canapé. Edgar vint s’asseoir auprès d’elle, et resta quelques moments immobile à la contempler en silence. Magnétisée par ce regard, elle leva les yeux ; jamais elle n’avait paru plus belle qu’en cet instant. Son teint, éblouissant de fraîcheur, était encore animé par cette agitation fiévreuse, ses yeux inspirés étaient à la fois doux et brillants ; il y a toujours tant de charme dans le visage joyeux d’une femme qui a pleuré ! Edgar la contemplait avec adoration.

— Valentine, s’écria-t-il d’une voix émue, que je suis heureux ! vous m’aimez !

Au son de cette voix si chère, que depuis longtemps elle n’avait pas entendue, et qui disait son nom pour la première fois, l’émotion de Valentine fut si subite qu’elle ne put retenir ses larmes ; pour les cacher, elle pencha son front sur le bras d’Edgar, qui la serra tendrement sur son cœur.

Ah ! comme il battait vivement ce jeune cœur où la joie était sans mélange : extase, sympathie, enchantements, délices inconnus des rêves ! Un pareil moment vaut toute une vie !

Alors ils parlèrent de leur amour, comme tous ceux qui aiment, comme tous ceux qui ont aimé ; ils parlèrent avec confiance comme d’anciens amis, comme de nouveaux amants, ce qui se ressemble ; et Valentine s’étonna de se sentir si parfaitement à son aise auprès de M. de Lorville qui lui faisait si grand’peur ; car peu à peu elle s’était rassurée, peut-être en voyant que l’attendrissement d’Edgar était encore plus vif que le sien ; et puis, les âmes les plus craintives l’ont éprouvé, une émotion profonde triomphe aussi promptement de l’embarras qu’un grand péril de la timidité.

— Quel plaisir, disait Edgar, de passer notre vie ensemble ! Quelle douce harmonie existera entre nous, qui nous entendons si bien, qui avons les mêmes idées, les mêmes sentiments, les mêmes goûts ! je sais tout cela, moi ! Me pardonnez-vous d’avoir eu tant de présomption, d’avoir osé deviner mon bonheur ?