Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/120

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Ces mots rappelèrent à Valentine tout le merveilleux de la conduite d’Edgar, et réveillèrent sa curiosité.

— Il faut bien que je vous pardonne, dit-elle ; mais expliquez-moi ce mystère, je vous en conjure.

Edgar sourit et voulut lui répondre ; mais comment trouver des mots pour raconter froidement le passé, quand elle était là si belle, si près de lui ! enfin quel homme serait jamais assez imprudent pour distraire de sa tendresse la femme qu’il aime par des récits merveilleux ?

Cependant les yeux de Valentine le questionnaient.

— Que vous importe ? dit-il. Avouez que je ne me suis pas trompé, que vous m’aimez ; que je l’entende de votre bouche ! et un jour…

— Oh ! dites-moi, interrompit Valentine, par quel prodige vous devinez ainsi toutes mes pensées, même celle que je voulais me cacher ; ce mystère a quelque chose d’effrayant qui m’inquiète ; je vous en supplie, parlez ; dites la vérité, de grâce, ou j’en perdrai l’esprit !

— Je ne le puis, j’ai promis le secret ; mais n’avez-vous pas confiance en moi ?

— Non, reprit Valentine avec vivacité, depuis quelque temps votre merveilleuse pénétration me tourmente ; il y a de la magie dans cette pénétration, à laquelle personne n’échappe… Ne riez pas de mon inquiétude, ajouta-t-elle d’un ton suppliant. Je conviens avec joie de tout ce que vous avez lu dans mon cœur ; je vous aime, je suis heureuse, je l’avoue, je le répète avec délices ; mais, à votre tour, ayez pitié de ma raison, révélez-moi ce mystère !

Edgar était, pour ainsi dire, jaloux de son talisman et de l’effet qu’il produirait sur l’imagination exaltée de Valentine ; il voulut distraire sa curiosité en parlant de ce prodige comme d’une chose indifférente.

— Ce mystère, dit-il, est beaucoup moins extraordinaire que vous ne l’imaginez. Bientôt je vous l’expliquerai, et vous verrez qu’il ne méritait pas de vous occuper si longtemps.

M. de Lorville prononça ces mots de ce ton doux et décidé qui ne laisse aucune espérance, et Valentine, qui était dans une de ces dispositions où l’esprit épuisé par le cœur, inca-