Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/127

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ceur et sa modestie ; aussi, par un instinct conservateur de ses illusions, Valentine, qui ne voulait point tenter l’épreuve du lorgnon magique sur sa chère Stéphanie, en fit-elle l’essai sans crainte sur sa nouvelle cousine, dont la parure brillante et à effet motivait assez une attention particulière.

Le notaire continua la lecture, et chacun écoutant avec recueillement les différentes clauses du contrat, Valentine jugea que le moment était favorable. Mademoiselle d’Armilly prêtait une si grande attention à cette lecture, qu’on pouvait la lorgner longtemps avant qu’elle s’en aperçût.

Tout à coup Valentine lui vit faire un mouvement d’ébahissement à un certain article du contrat qu’elle-même n’avait point écouté. Elle saisit le lorgnon et se mit à la regarder. D’abord, Valentine resta un moment stupéfaite et comme épouvantée de cette merveille. Quoique M. de Lorville l’eût prévenue et qu’elle lui eût promis de ne donner aucun signe d’étonnement, il lui fut impossible de cacher sa surprise, elle porta subitement la main à ses yeux, comme une personne qui croit rêver ; et chacun la voyant ainsi émue imagina qu’elle essuyait des larmes d’attendrissement et de reconnaissance, touchée des sacrifices que M. de Lorville faisait en sa faveur et que cet acte lui apprenait ; mais Valentine ne savait rien de tout cela, et le talisman que venait de lui confier Edgar l’occupait bien plus que la fortune qu’il lui assurait. Elle n’apprit même cette clause du contrat que par la pensée de sa cousine, qui se disait : « Il lui reconnaît cinq cent mille francs ! il est bien généreux ! si j’avais su cela… » Puis attachant sur son mari un regard plein de tendresse qui semblait dire : Je vous aime, elle pensait : « Je n’aurais pas été réduite à épouser cet homme si laid, pour si peu ! »

Il y avait un contraste si comique entre ce regard tendre et cette réflexion pleine de dégoût, que, malgré la solennité d’un tel moment, Valentine se prit à rire… Un coup d’œil de M. de Lorville la ramena au sérieux convenable ; alors elle essaya de se rappeler toute la conduite d’Edgar et de se l’expliquer par ce talisman dont elle était confidente.

À la place de Valentine, une autre femme aurait frémi de cette découverte, et aurait bien vite cherché dans sa mémoire,