Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/131

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regard tomba sur lui au moment où, se vantant d’être la cause de son mariage, il pensait cela :

« Maudit mariage ! j’ai fait tout ce que j’ai pu pour l’empêcher, mais… »

Cette fois, Valentine fut si surprise, si épouvantée d’un tel excès de fausseté, qu’elle chercha des yeux Edgar, pour trouver dans le cœur où elle était aimée un refuge contre tant de malice ; puis, comme fascinée par le mal et la curiosité qu’il inspire, elle lorgna une seconde fois M. Narvaux :

« Que vois-je ? pensait-il, le lorgnon d’Edgar entre les mains de sa prétendue ! Il y a là quelque mystère… Si je pouvais lui dérober un moment ce lorgnon… oui, je veux savoir à quoi m’en tenir. »

Valentine tressaillit ; elle comprit alors tout le danger d’un pareil talisman dans les mains d’un homme méchant, et elle apprécia plus que jamais la noblesse du caractère de M. de Lorville, en se rappelant sa conduite depuis qu’il en était possesseur. Ah ! combien cette idée le lui rendait cher ! Dominée par les doux sentiments que cette réflexion faisait naître, Valentine répondit à peine aux compliments, aux adieux des parents et des amis qui se retiraient.

Quand tout le monde fut parti, Edgar lui demanda la cause de sa profonde rêverie.

— Je pensais à ce talisman, répondit-elle, au noble usage que vous en avez fait.

— Je n’ai donc pas eu tort de vous faire cette confidence ? dit Edgar.

— Au contraire ! comment ne pas vous aimer davantage, en songeant que cette pénétration surnaturelle ne vous a servi qu’à deviner ma tendresse et le malheur de votre ami ; que ce pouvoir si redoutable, vous ne l’avez employé qu’à deux actions généreuses !

— Puisque ce talisman me fait aimer, gardez-le, je n’en ai plus besoin ; la pensée des indifférents commence à m’ennuyer ; la vôtre, vous me la direz.

— Je l’accepte, dit Valentine avec tendresse, mais je vous le rendrai si jamais vous doutez de moi.