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MONSIEUR LE MARQUIS

« Madame d’Auray va tous les ans à cette fête, pensa-t-elle, M. de Marny y sera… »

— Certainement, j’irai avec vous, répondit-elle.

Et Laurence ne fut plus agitée que d’une pensée :

« Je le verrai demain ! »

Toutes les actions de cette journée se ressentirent de sa préoccupation. Elle oublia complètement un ex-sous-préfet qui vint lui faire une visite ce jour-là, et l’ex-sous-préfet attendit trois heures dans le salon de madame la marquise, qui allait, disait-on, venir à l’instant.

Madame de Pontanges appela deux fois sa tante : Monsieur le curé ; et quand le bon curé lui demanda si elle irait à la fête de Champigny, elle lui répondit sans hésiter : — Oui, ma tante

Toutes choses niaises, distractions d’enfant pour les indifférents…

Indices d’une grande passion pour l’observateur.


X.

VANITÉ ET VANITÉ.


— Qu’avez-vous donc à rire, mademoiselle ?

— Rien, monsieur.

— Cependant vous riez.

Mademoiselle Clémentine Bélin vit que sa réponse était ridicule. Ce qui les faisait rire, elle et sa sœur, c’est qu’elles avaient aperçu par la fenêtre d’un cabaret un paysan qui embrassait une grosse paysanne, et je ne sais comment cela arrive, mais les petites filles voient toujours ces choses-là les premières dans une fête de village. Mademoiselle Clémentine, ne voulant pas dire pourquoi elle riait, chercha un autre prétexte à sa gaieté.

— Eh bien, ce qui nous a fait rire, dit-elle, c’est ce gros cocher rouge avec ses gants verts, qui a une si bonne figure…

— Ah ! je triomphe ! s’écria M. Bonnasseau, c’est elle ! Voilà le bel équipage de madame la marquise de Pontanges !…

Alors Melchior Bonnasseau rejoignit en courant madame