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DE PONTANGES.

à lire un de vos ouvrages ! À Paris, c’est de l’admiration qu’on a pour vous ; mais en province c’est de la reconnaissance, car nous vous devons nos seuls plaisirs.

Ferdinand Dulac répondit une phrase modeste, et la conversation s’engagea sur les auteurs à la mode.

Madame d’Auray était restée devant la boutique avec ses amies ; ces dames attendaient le groupe des maris, pour payer les diverses niaiseries dont elles avaient fait emplette.

Dès que M. d’Auray parut, sa femme alla vers lui.

— Quel est ce jeune homme, dit-elle, qui donne le bras à madame de Pontanges et qu’elle appelle son cousin ?

— C’est le prince de Loïsberg.

— Ah ! s’écria madame d’Auray, le prince de Loïsberg !

C’était nommer la fleur des élégants.

Madame d’Auray avait souvent entendu citer le bon goût et l’esprit de ce jeune fashionable, qu’elle désirait connaître depuis longtemps.

Le prince venait de passer deux ans en Italie. Cela explique comment madame d’Auray, si répandue dans le monde, ne l’avait pas encore rencontré.

— Et l’autre jeune homme qui est avec lui, qui est-ce ?

— Quoi ! vous ne le connaissez pas ? l’auteur en vogue, une de nos plus grandes célébrités, M. Dulac ?…

— Ferdinand Dulac, s’écria-t-elle encore, l’auteur de la Physiologie des Égoïstes ! où est-il, que je le voie ?

Et chacun se hâta de rejoindre madame de Pontanges pour contempler l’élégant écrivain dont les ouvrages obtenaient tant de succès et causaient aux femmes tant d’émotions.

En effet, c’était une espèce de curiosité qu’un homme d’esprit dans une fête de village.

Madame de Pontanges, parvenue en face de la grille du château, aperçut Lionel qui la regardait ; il avait fui loin d’elle tout à l’heure, et maintenant il mettait tous ses efforts à attirer son attention.

Laurence n’était plus pour lui la même femme ; le cœur de Lionel venait de se retourner.

Laurence — entre sa vieille tante et cette petite fille hideuse — lui avait paru ridicule.