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MONSIEUR LE MARQUIS

Madame d’Auray accabla Laurence de politesses. Elle était trop satisfaite de la trouver ainsi à son désavantage pour ne pas être généreuse envers elle.

— Venez avec nous voir la fête, lui dit-elle ; vous n’avez point de protecteurs, M. d’Auray vous offrira son bras.

Cela voulait dire : « Vous n’êtes point une femme à la mode comme moi, qui suis toujours fort entourée. »

Comme elle disait cela, deux jeunes gens qui achetaient des joujoux pour des petits paysans qui les suivaient attirèrent l’attention de madame d’Auray. L’un d’eux avait une tournure noble et distinguée ; on ne pouvait passer près de lui sans le remarquer.

— Que vend-elle donc de si beau, cette marchande ? dit madame d’Auray ; et elle s’avança vers la boutique.

Voyant arriver madame d’Auray, les deux jeunes gens se dérangèrent poliment pour lui faire place.

Tandis qu’elle choisissait différents objets dans l’étalage : — C’est vous, ma chère cousine ! s’écria le plus beau des deux jeunes gens en reconnaissant Laurence ; par quel hasard avez-vous quitté votre donjon ?

— Pour venir à cette fête, répondit madame de Pontanges. Mais vous-même, comment êtes-vous ici ? Je vous croyais en Italie.

— J’en arrive ; je ne suis de retour que depuis hier ; sans cela, vous m’auriez déjà vu, madame.

En cet instant, la petite bossue tira Laurence par le bras : — Je voudrais manger du pain d’épice, dit-elle.

— Viens, mon enfant, dit madame Ermangard, là-bas, nous allons en trouver.

Elle quitta sa nièce, et emmena Clorinde avec elle. Alors madame de Pontanges restant seule, son cousin lui offrit le bras, et ils reprirent ensemble le chemin de la grande avenue.

— Permettez-moi de vous présenter un de mes amis, dit-il, dont vous avez bien souvent entendu parler, l’auteur de la Physiologie des Égoïstes.

— Comment ! c’est vous, monsieur, qui êtes l’auteur de ce livre si spirituel ? Je l’ai déjà lu deux fois. Si vous saviez comme on est heureux, quand on vit dans la retraite, d’avoir