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DE PONTANGES.

Pendant ce temps, Lionel faisait très-bien ses affaires au château. Il avait prié M. Dulac de le présenter à madame de Champigny en entrant dans le salon ; il resta plus d’une heure près d’elle, cherchant à lui plaire et à prouver qu’il avait de l’esprit.

La duchesse le trouva fort aimable ; et, le croyant des amis de madame de Pontanges, elle l’engagea à venir dîner chez elle le jeudi suivant.

— Nous aurons un grand génie, dit-elle, que vous serez charmée de connaître, Laurence.

— Qui donc ?

— Je ne veux pas vous le nommer ; il est si capricieux qu’on ne peut jamais compter sur ses promesses ; mais n’importe, venez toujours, ne fût-ce que pour moi.

On fit beaucoup de conjectures sur l’homme illustre que l’on annonçait avec tant de pompe et de mystère. La conversation se prolongea fort tard ; il était près d’une heure du matin lorsque madame de Pontanges se disposa à partir.

Alors M. de Marny se rappela qu’il avait perdu sa société. Madame d’Auray devait avoir quitté la fête depuis longtemps. Il était venu à Champigny dans sa voiture, et il n’avait nulle envie de retourner chez elle à pied. On sait que cette façon de voyager ne lui plaisait guère.

— Si vous n’avez pitié de moi, dit-il à madame Ermangard, je ne sais ce que je vais devenir ; madame d’Auray m’a abandonné, et si vous ne me donnez l’hospitalité, je serai forcé de coucher dans les champs.

— Nous ne souffrirons pas cela, s’écria madame Ermangard ; ma nièce et moi vous offrons une chambre à Pontanges et une place dans notre voiture. Aussi bien nous sommes seules et il nous faut un défenseur.

Laurence, qui n’avait pas entendu ce colloque, fut très étonnée de voir M. de Marny monter familièrement dans sa voiture et se placer en face d’elle.

Et Lionel, à son tour, fut très-étonné de se sentir si joyeux en s’asseyant dans ce singulier équipage dont il s’était tant moqué quelques heures auparavant. Certes, il ne croyait pas alors qu’il serait sitôt fier d’y monter.