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MONSIEUR LE MARQUIS


XI.

LA VIE RÉELLE.


Madame de Pontanges revint chez elle triste et désenchantée. Elle était mécontente de Lionel et ne pouvait savoir pourquoi. Son instinct lui disait qu’elle avait à se plaindre de lui, et cependant elle ne trouvait à lui adresser aucun reproche.

Laurence ignorait ces combats de vanité qui rendent le monde si piquant et souvent si maussade. Vanité de naissance, vanité de fortune, vanité d’amour, et quelquefois même vanité d’esprit.

Elle sentait que M. de Marny avait agi ce soir-là mal envers elle, et pourtant il semblait lui avoir tout sacrifié.

Elle n’avait pas le secret misérable de sa conduite ; elle ne se disait pas : « Il m’a reniée, parce que je ne suis pas une femme élégante comme les jolies femmes qui l’accompagnaient ; il a rougi de moi, parce que l’on me trouvait ridicule… »

Mais elle, avait perdu toute sa confiance en lui. Les soupçons qui lui venaient à l’idée étaient faux, mais l’impression qu’elle ressentait était juste ; et, sans s’expliquer sa tristesse, elle s’y abandonnait sincèrement, parce que ses impressions ne l’avaient jamais trompée.

N’avez-vous pas éprouvé cela plus d’une fois ? Une personne que vous aimez vous consacre toute sa journée ; elle dit tout ce que vous désirez qu’elle dise, rien n’est changé en apparence ; c’est la même affection qu’hier… et cependant votre cœur se serre ; vous n’avez aucune raison de craindre, et vous tremblez ; on vous quitte la veille avec tendresse en disant : « À demain… » et vous pleurez… Et puis, quelque temps après, lorsque vous apprenez un duel, un malheur, une infidélité, vous vous écriez, sans que l’on puisse vous comprendre : — C’était cela !!!

Une autre circonstance avait aussi contribué à refroidir Laurence dans son amour naissant :

une comparaison.