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DE PONTANGES.

— Pauvre jeune femme ! s’écria madame Ermangard. Que de bonté ! quelle existence pitoyable ! consacrer ainsi toute sa vie à un crétin ! C’est un dévouement qui va jusqu’à la duperie… n’est-ce pas ?

— Comment, dit Lionel, n’employez-vous pas votre influence sur son esprit pour l’engager à mettre ce fou dans une maison de santé ?

— Eh ! mon Dieu, j’ai déjà fait tout ce que j’ai pu pour l’y décider ; mais elle s’indigne à la seule pensée de le quitter un jour. On n’obtiendra jamais rien d’elle sur ce point.

Laurence revint comme sa tante achevait ces mots. Son visage était altéré, ses beaux cheveux étaient en désordre ; elle paraissait de mauvaise humeur.

Pour la première fois, son devoir l’avait ennuyée !

— Vous savez ce que ma tante a décidé dans sa sagesse, dit-elle ; nous vous reconduisons chez madame d’Auray dans une heure, et je profite de cette occasion pour lui rendre sa visite de l’autre jour.

— C’est une excellente idée, répondit Lionel ; je redoutais fort de faire cette route seul… — et à pied ! se dit-il tout bas.

— Cela me fait penser que j’ai des ordres à donner à Joseph, dit à son tour madame Ermangard ; pardon si je vous quitte un instant.

Rien n’est plus plaisant, à mon avis, qu’une personne importune demandant pardon de s’en aller.


XII.

L’AMOUR.


— Il fait trop froid dans le grand salon, dit Laurence : montons plutôt chez moi.

Lionel suivit madame de Pontanges dans les petits appartements.

Celui que Laurence avait fait arranger pour elle ne ressemblait point au reste du château ; et M. de Marny commença à prendre meilleure opinion du goût de madame de Pontanges en voyant le confortable de ce salon.