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DE PONTANGES.

rance, cet aplomb des jeunes filles qui n’ont plus leur mère et qui sont à quinze ans maîtresses de maison… Mademoiselle Clémentine gouvernait seule la maison de M. Bélin, depuis la mort de sa femme ; elle avait l’habitude de commander ; sa sœur Valérie était sous ses ordres. Clémentine avait donc appris de bonne heure à se décider. — Elle était responsable à l’âge où les jeunes filles ne sont ordinairement que soumises, et ses manières distinguées, mais pleines d’assurance, se ressentaient de cette émancipation prématurée.

Laurence, qui était encore en tutelle, malgré cinq années de mariage, se sentit devant mademoiselle Bélin humble et confuse comme une pensionnaire nouvelle devant ce qu’on nomme les grandes en pension ; madame de Pontanges trouva Clémentine supérieure à elle en tout ; elle pensa qu’une personne si répandue dans le monde, si jolie, devait convenir à M. de Marny. — Cependant Lionel ne lui avait point parlé ; il paraissait même ne pas la trouver aimable. N’importe, Laurence était jalouse de Clémentine, de sa beauté, de sa parure… elle enviait cette jeune fille qui ne lui plaisait pas.

Il y a des pressentiments.


XIV.

COQUETTERIE.


Le soir de ce jour-là, madame de Pontanges écrivit à une de ses amies une longue lettre qui finissait ainsi :

« Enfin me voilà coquette, ma chère Sidonie ! tu ne te moqueras plus de moi. Comme j’ai la plus grande confiance en ton bon goût, je te charge de choisir pour moi le plus joli chapeau que tu trouveras chez Bertrand… ou Gontrand… je ne sais pas exactement son nom, mais tu dois le connaître. Je veux aussi un mantelet à la mode. Je t’envoie mes dentelles noires ; elles me viennent de ma grand’mère ; elles sont toutes neuves et superbes. Il me faut encore des rubans, des rubans lilas comme ceux que j’ai vus ce matin à mademoiselle Bélin : c’est une personne très-élégante que tu dois