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DE PONTANGES.

Cependant Laurence, à son tour, voulait plaire ; d’où lui venait donc ce caprice ? D’un sentiment bien triste, mon Dieu ! d’une pensée bien humble, bien amère. — La coquetterie se développe aussi dans une âme tendre, mais, hélas ! par…

la jalousie !


XV.

DEUX GÉNIES EN PRÉSENCE.


— Le voilà !!!

Et la duchesse de Champigny se leva avec empressement, et se dirigea vers la fenêtre du salon pour voir les nouveaux arrivants qui descendaient de voiture : c’étaient un de ses anciens amis et M. de R…, le spirituel auteur d’un des livres les plus dangereux de notre littérature moderne :

les Pleurs d’un fat.

M. de R…, présenté à la duchesse, s’inclina d’abord devant elle avec un respect exagéré : il semblait moins répondre à une politesse que se confondre en excuses ; il avait l’air de demander pardon d’avance aux personnes qui l’entouraient des observations malicieuses que leurs différents ridicules allaient lui fournir.

Le plus aimable orgueil respirait dans sa modestie, et tout ce qu’il répondait pour repousser les éloges enthousiastes dont on l’accablait, son étonnement, enfin, voulait dire : « Je ne croyais pas que des gens tels que vous fussent capables d’apprécier un homme tel que moi. »

M. de R… s’était si naïvement résigné à être méconnu — en homme qui se croit au-dessus de son siècle — qu’on semblait le déconcerter en l’admirant sitôt. Il était presque humilié d’être, par ses contemporains, compris avant l’heure… avant l’heure insolemment lointaine que son orgueil avait choisie dans l’avenir.

Cependant M. de R…, assis entre la duchesse et madame de Pontanges, s’enivrait des plus séduisantes flatteries.

Laurence lui parlait de ses ouvrages, qu’elle savait par cœur.