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DE PONTANGES.

— Est-ce un roman que vous faites maintenant ? disait madame de Pontanges à M. Dulac.

— Oui, madame.

— À quelle époque la scène se passe-t-elle ?

— Au temps de la Jacquerie, lorsque…

— Oh ! prenez garde, interrompait M. de R… ; n’allez pas sur les brisées de Mérimée ! On ne peut rien faire sur ce sujet-là après lui… Je vous défie de lutter avec avantage…

Voilà comme ces gens d’esprit causaient.

Seuls, ils eussent été charmants de naturel, de vivacité, de grâce ; mais la rivalité entre parties égales neutralise tout ; si l’un des deux avait été spirituel en plus, l’autre en moins, ils auraient pu s’entendre ; par malheur ils avaient autant d’esprit l’un que l’autre : c’est ce qui les rendait nuls.

M. de R… fut d’abord flatté d’être placé à côté de la duchesse de Champigny ; ensuite, voyant que Ferdinand Dulac était presque un habitué de la maison ; il envia la place modeste, qui lui semblait être une préférence à force de sans façon.

Ferdinand était encore plus mécontent que M. de R….

Il venait de faire une découverte désenchantante.

La duchesse de Champigny était depuis deux mois très-coquette pour lui.

Ferdinand se flattait en secret de l’espoir d’être aimé.

Ô désappointement !

Ces mêmes avances, ces mêmes coquetteries, il les voyait recommencer pour un autre, pour un confrère…

Qu’était-ce donc que la bienveillance de madame la duchesse de Champigny ?

C’était de la littérature et voilà tout.

M. de Marny, qui devinait tous leurs mécomptes, était le seul qui s’amusât de leur conversation.

Une autre cause vint encore attrister cette soirée.

Au dessert, on remit une lettre à la duchesse. — Ah ! mon Dieu !… s’écria-t-elle après avoir parcouru les premiers mots.

Et elle continua de lire :

— Ce n’est rien, il va mieux… ajouta-t-elle.

Comme tous les regards l’interrogeaient :