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DE PONTANGES.

Un domestique entra en ce moment.

— Frédéric est-il là ? demanda Lionel.

— Oui, monsieur.

— Dites-lui, je vous prie, de mettre les chevaux tout de suite.

— Je croyais que vous ne deviez repartir que demain ? demanda madame Ermangard.

— Oui, madame ; mais depuis j’ai réfléchi qu’il fallait que je fusse à Paris demain à six heures, et j’ai pris à regret la résolution de vous quitter plus tôt et de retourner ce soir à Méricourt.

Si madame de Pontanges avait dit un mot, il serait resté ; mais elle était offensée.

Elle le laissa partir.

M. de Marny était contrarié de partir ; c’était une fausse sortie qu’il espérait voir déconcertée.

Il vint saluer Laurence.

— Bonsoir, monsieur, dit-elle sans le regarder.

Il s’éloigna.

Au moment de monter en voiture :

— Il va pleuvoir, je crois ?… dit-il à son cocher.

— Oh ! non, non, monsieur ; voyez les belles étoiles ! répondit le cocher, qui s’ennuyait à Pontanges.

— Alors, partons ! s’écria Lionel avec humeur.

Et il monta en voiture.

La nuit était fort sombre, malgré les belles étoiles du cocher.

Il avait beaucoup plu depuis quelques jours ; les chemins étaient fort mauvais, les ornières étaient profondes : un des chevaux tomba, il se heurta la jambe contre une pierre et se couronna.

Il fallut s’arrêter. On était à moitié chemin, et trop loin de Pontanges pour y retourner.

— Voilà un cheval perdu ! dit le cocher… Déshonoré ! ajouta-t-il.

Et l’on entendit de beaux blasphèmes

— Maudit pays ! s’écria Lionel ; quels chemins ! Aussi pourquoi partir cette nuit ?

— Et puis, des bêtes qui ne mangent pas ! reprit le cocher.