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MONSIEUR LE MARQUIS

Qu’était-il arrivé ?… que lui avait-on dit qui rendît cette lettre inutile ?… Il ne se souvenait plus d’avoir souffert.

Sa lettre d’adieu, elle ne signifiait plus rien… Il l’avait complètement oubliée ; je crois même qu’il eût été fort embarrassé de se rappeler ce qu’elle contenait. Un instinct lui disait que sa pâleur, l’accent de sa voix, la passion de ses regards, avaient plus parlé en sa faveur que ces deux pages de tendresse ; et il avait raison. Cette nuit passée dans les souffrances d’un amour découragé, cette veille, ces fatigues d’un cœur désolé, avaient paré son visage d’une grâce ineffable, avaient doué sa voix d’un pouvoir irrésistible ; oh ! rien n’avait été perdu… Laurence avait tout compris ; elle avait deviné sa lettre ; elle y avait répondu… Il avait raison d’être heureux… et puis quand le jour commence si beau, on oublie les orages de la veille !


XXIV.

LE SOIR.


Madame de Pontanges est couchée sur un canapé. Sa blessure n’est pas grave, mais Laurence ne peut marcher.

Madame Ermangard est descendue dans le salon, dont elle fait les honneurs à plusieurs femmes pendant l’absence de sa nièce.

Lionel est resté près de Laurence pour lui tenir compagnie.

Il s’est assis près d’elle sur une petite chaise, il la contemple avec recueillement. — Que vous êtes belle ce soir ! dit-il d’une voix oppressée. Oh ! mon Dieu !…

Laurence souriait tendrement.

— Que c’est joli une femme malade ! disait-il, une douce malade qu’on peut soigner, qui est dans votre dépendance ! car enfin vous dépendez de moi, vous ne pouvez marcher sans que je vous aide ; si vous vouliez… ces fleurs qui sont là-bas, vous seriez obligée de me les demander.

— Eh bien, je les veux ! dit madame de Pontanges, allez me les chercher.

— Vous les voulez ! pourquoi ? elles font un si joli effet d’ici, dans ce beau vase ; quelle idée !…