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MONSIEUR LE MARQUIS

tous ceux qu’elle pouvait évoquer, de toutes les émotions de la journée, une seule avait osé survivre… son amour !

Dangers, colère, indignation, scrupules, résolutions vertueuses, durant le sommeil s’étaient évanouis.

Mais ces regards passionnés qui avaient pénétré dans son âme, ces paroles enivrantes dont l’harmonie la berçait encore ; cet avenir d’amour qui s’offrait à sa jeunesse, jusqu’à ce jour si triste, si solitaire ; cet horizon si beau qui lui était apparu dans tout son éclat… être aimée ! sentir son cœur à toutes les heures de sa vie ; avoir une pensée délicieuse toujours vivante, toujours nouvelle ; et voir toutes ses émotions partagées, les retrouver dans ce qu’on aime, voir son bonheur se réfléchir dans une autre joie, vivre pour quelqu’un qui vit pour nous ; attendre, espérer, croire… vivre d’amour enfin !

Voilà l’avenir qui lui était offert, qu’elle avait refusé, mais qu’un doux rêve, un beau rêve complice lui avait rendu, et qu’elle tremblait, hélas ! de perdre.

Et, quand elle s’éveilla, une félicité ineffable enchantait son cœur ; une physionomie nouvelle embellissait son visage ; elle n’était plus belle, elle était jolie, coquette et gracieuse. Son regard avait perdu de sa fierté, son maintien avait une timidité pleine de charme, et lorsque M. de Marny la revit, il resta immobile d’étonnement, car rien alors ne rappelait en elle cette femme indignée, sage, froide et raisonneuse qu’il avait quittée la veille.

Un rêve avait fait tout cela…

Un songe ! me devrais-je inquiéter d’un songe ?
Oui.


XXVI.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.


Oui, et depuis le commencement du monde cette influence des songes est reconnue. Vous la retrouverez partout, dans l’Écriture sainte, dans l’histoire romaine, dans la mythologie. Partout la puissance des rêves est confirmée, dans tous les pays, à tous les âges, chez tous les peuples, depuis :