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MONSIEUR LE MARQUIS

à étudier aussi. Tous sont annoncés de la même manière et réfutés de la même manière par le confident ou la confidente ; ce sont presque les mêmes mots, et les mêmes rimes quelquefois.

Dans Venceslas, de Rotrou,


THÉODORE s’écrie :

Ah ! dieux ! que cet effroi me trouble et me confond !
Tu vois que ton rapport à mon songe répond.

LÉONORE. (Confidente.)

Est-ce un si grand sujet d’en prendre l’épouvante,
Et de souffrir qu’un songe à ce point vous tourmente ?

THÉODORE

Un songe interrompu, sans suite, obscur, confus,
Qui passe en un instant et puis ne revient plus,
Fait dessus notre esprit une légère atteinte,
Et nous laisse imprimée ou point ou peu de crainte ;
Mais les songes suivis, et dont à tout propos
L’horreur se remontrant interrompt le repos,
Et qui distinctement marquent les aventures,
Sont des avis du Ciel pour les choses futures.


Dans Polyeucte, Corneille envoie aussi un songe à Pauline :


STRATONICE. (Confidente.)

Un songe à notre aspect passe pour ridicule ;
Il ne nous laisse après ni crainte ni scrupule ;
Mais il passe dans Rome avec autorité
Pour fidèle miroir de la fatalité.

PAULINE.

Quelque peu de crédit que chez nous il obtienne,
Je crois que ta frayeur égalerait la mienne
Si de telles horreurs t’avaient frappé l’esprit,
Si je t’en avais fait seulement le récit.


Et elle en fait le récit, et le termine par ces mots :


Voilà quel est mon songe.

STRATONICE.

Voilà quel est mon songe.Je conçois qu’il est triste,
Mais il faut que votre âme à ces frayeurs résiste.
La vision, de soi, peut faire quelque horreur,
Mais non pas vous donner une juste terreur.