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DE PONTANGES.


XXIX.

LES HOSTILITÉS RECOMMENCENT.


M. de Marny devint donc singulièrement maussade. Ce fut d’abord une tristesse assez affectueuse, qui pouvait être intéressante.

Il pensa que cette mélancolie serait comprise ; il en attendit l’effet.

Cette mélancolie ne fut pas comprise ; Laurence était de ces femmes dont une éducation très-chaste a retardé l’intelligence ; elles pensent avec leur cœur ; elles croient longtemps que l’amour, c’est aimer.

Laurence demanda naïvement à Lionel ce qui l’affligeait. Il se fâcha… sa tristesse devint hostile. Il ne pouvait pardonner à Laurence de ne point la partager ; il lui en voulait de sa candeur. Tant de pureté la rendait indépendante. Lionel avait raison : une femme qui n’a donné aucun droit sur elle est encore libre, quelle que soit sa passion.

Un homme qui n’a rien obtenu est esclave de son amour, quelle que soit l’indépendance de son caractère. Son amour est une chaîne ; il veut qu’on l’aide à la porter ; il a hâte d’être heureux pour être libre ; il lui tarde qu’on l’aime pour moins aimer.

M. de Marny avait épuisé la patience ; il eut recours au grand moyen : aux menaces d’absence, menaces si terribles pour une femme accoutumée à votre amour.

— Je ne viendrai pas la semaine prochaine, dit-il un soir.

— Oh ! mon Dieu, que deviendrai-je sans vous ? Quand vous ne serez plus là, comment vivre ?

— Il ne tient qu’à vous de me voir toujours.

— Comment ?

— Venez à Paris.

— Je ne le puis.

Lionel sourit dédaigneusement.

— Mais vous, qui vous empêchera de venir ici ?

— Rien.