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MONSIEUR LE MARQUIS

— Rien ? Pourquoi alors me faire de la peine ?

Elle s’approcha de lui. — D’où vient que vous êtes si mal pour moi, quand je vous aime tant ?

Elle prononça ces mots d’une voix étouffée qui trahissait son émotion.

— Que vous êtes froide ! reprit-il.

— Moi !… Vous riez, Lionel ; mais regardez-moi donc ! ne voyez-vous pas que je vous aime, ne le sentez-vous pas ?

Il leva les yeux sur elle, et, dans ce regard qu’il lui jeta, il y avait une tendresse morne dont elle fut épouvantée.

— Si vous m’aimiez, vous n’auriez pas tant de courage ; vous comprendriez entre nous deux la nécessité d’un lien de toute la vie ; vous auriez besoin de mon bonheur comme j’ai besoin d’assurer le vôtre Laurence… ! Laurence !

— Vous êtes impitoyable ! s’écria-t-elle. Je vous hais !

— Impitoyable ?… dit-il ; c’est vous !


XXX.

VENGEANCE.


Le lendemain, tout le monde était réuni à table pour déjeuner ; on n’attendait plus que Lionel.

— Voyez si M. de Marny est chez lui, dit madame Ermangard ; peut-être n’a-t-il pas entendu sonner la cloche du déjeuner.

Un domestique revint en disant que M. de Marny était parti à cinq heures.

— Voici une lettre qu’il a laissée pour madame la marquise.

— Sans doute il vous explique ce brusque départ, dit madame Ermangard.

Madame de Pontanges ouvrit la lettre d’une main tremblante ; elle contenait ces mots :

« Vous ne m’aimez pas… Adieu ! »

Laurence resta longtemps immobile, les yeux fixés sur cette ligne.

— Quelle longue lettre ! dit tout bas le sous-préfet.