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DE PONTANGES.

« Bon ! pensa Melchior ; j’ai le temps d’écrire. »

— Mais on les mariera à la municipalité le matin ? dit-il.

— Non, le maire du village est le père de la mariée ; il marie ses enfants, sans façon, dans son salon, après dîner, entre la poire et le fromage.

M. Bonnasseau rit beaucoup de cette plaisanterie de mauvais goût ; M. Dulac, si distingué de sa personne, tombait toujours dans le mauvais goût lorsqu’il était embarrassé : c’était un symptôme. Cependant M. Bonnasseau éprouvait une peine visible ; la perfidie de Ferdinand le révoltait. Il aimait Lionel, malgré leur récente rivalité ; le sort de cette jeune fille épousée par dépit lui faisait aussi pitié.

C’est une remarque singulière que j’ai faite :

En France, les sots ont très-bon cœur… Nous avons peu de ces originaux impitoyables comme en Angleterre. Nos hommes ridicules sont presque toujours de bonnes gens. Il n’y a que nos hommes raisonnables qui soient véritablement secs et méchants.

M. Dulac, lui, n’était pas méchant ; mais il avait la prétention d’être un roué, et cette prétention l’entraînait à une foule d’actions désastreuses. Toutefois, par une ruse de sa bonne nature, ses plus noirs projets avaient toujours un sentiment généreux pour mobile ; sans cela, je crois qu’il aurait eu moins de tenue dans ses malices. Tous les détails de sa conduite n’étaient que profonde duplicité, astuce révoltante ; mais le fond en était noble ; ses chemins tortueux conduisaient au bien. Il conciliait ainsi sa nature élevée, incapable d’une bassesse, d’une trahison, avec son imagination corrompue, qu’une conduite toute simple aurait ennuyée. De là venait sa double réputation d’homme perfide et d’ami dévoué.


II.

D’HEUREUX AUSPICES.


— Oh ! la mariée est-elle mignonne !… La belle robe !… Elle a l’air content, tout de même.

— Son homme est joliment bien aussi, dit une autre paysanne ; impossible d’être plus bel homme que cet homme-là…