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DE PONTANGES.

M. de Marny prend la main de Clémentine et la conduit à sa place. La contredanse est bientôt en train.

Clémentine est charmante ; elle est très-pâle… mais on la voit rougir à chaque instant. Elle paraît heureuse… oh ! elle l’aime !

Lionel la regarde avec affectation ; il a l’air trop heureux.

M. Bélin vient lui prendre la main d’un air-de gaieté sensible.

— Bonsoir, mon gendre, dit-il.

— Qu’elle est belle ! lui répond Lionel avec un peu trop d’enthousiasme.

— Comme il est amoureux ! dit le bon père en frappant sur l’épaule de Ferdinand… il en est fou !…

— Pourvu qu’il ne soit pas gris, pensa le roué confident, qui ne croyait qu’à une sorte d’ivresse.

Madame d’Auray est là ; elle est triomphante : ce mariage est son ouvrage… Elle aime Lionel et elle est enchantée de le marier. Expliquez cela. — Oh ! c’est qu’elle n’est pas jalouse de Clémentine, — Clémentine n’est pas sa rivale ; elle ne lui en veut pas. C’est Laurence, Laurence qu’elle hait ; c’est à elle qu’il faut enlever M. de Marny ; elle le marie pour les séparer : voilà comment elle se venge. Elle sait bien que Laurence est libre… Aussi elle a hâté le mariage ; elle a rompu tous les rapports… Les femmes !… leur vanité est un abîme où l’on se perd ! Étrange chose ! voilà deux personnes qui trament la même perfidie : madame d’Auray et Ferdinand Dulac. — La première fait sciemment une méchanceté ; l’autre fait une bonne action. Vous verrez cela. — N’importe, marier l’homme qu’on aime ! cela paraît une maladresse ; pas du tout, c’est une ruse de la vanité… Ô le monde !…

Après avoir dansé la seconde contredanse avec sa belle-sœur Valérie, en face de la mariée, Lionel se promène un moment dans le bal, en répondant aux ennuyeux compliments dont on l’accable. Puis, fatigué de son rôle, il va se réfugier dans un petit salon où quelques personnes sont retirées à l’écart et jouent au whist.

Les journaux qu’on vient d’apporter sont sur une table ; Lionel les parcourt sans les lire. Il prend machinalement le Journal des Débats.