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DE PONTANGES.

— Mais, papa, qui vous met donc si fort en colère ? Mon beau-frère ne sera absent que pendant quelques jours. Il m’a dit, en m’embrassant, qu’il serait ici mardi…

— Ah ! il t’a embrassée ?

— Oui, et il m’a appelée sa jolie petite sœur… Il est si aimable, mon beau-frère, et puis il a une tournure si distinguée…

— Il me tarde de pénétrer cette énigme, reprit M. Bélin… il me tarde de voir ta sœur. Va demander si elle est visible.

Autorisée par l’ordre de son père, Valérie monta dans l’appartement de la mariée.

— Clémentine, es-tu réveillée ?

La jeune femme était levée depuis longtemps. Elle avait peu dormi et d’un sommeil pénible. Elle avait entendu le bruit des chevaux mais sans qu’il lui donnât d’inquiétude. Il y avait tant de monde au château, et d’ailleurs plusieurs personnes, venues pour son mariage, devaient repartir le lendemain.

— Papa, s’écria Valérie du haut de l’escalier, madame est éveillée !

— Tais-toi donc, folle ! dit Clémentine ; tu vas ameuter tout le château.

Clémentine passa dans le salon qui tenait à sa chambre, et là elle attendit son père. Dès qu’elle l’aperçut, elle courut l’embrasser, espérant lui dissimuler ce qu’elle éprouvait.

— Votre mari est parti ? dit le père avec un mélange de tendresse et de sévérité.

— M. de Marny est parti ! répéta Clémentine étonnée.

— Quoi ! tu n’en sais rien ?

M. Bélin jeta sur sa fille un regard terrible ; son accès de colère lui reprit ; mais Clémentine supporta ce coup d’œil accusateur sans se troubler, et M. Bélin se rassura.

— Votre mari est parti ce matin, madame, et il a dit que vous saviez la cause de son départ

— Oui, ma sœur, interrompit Valérie, il m’a dit en parlant de toi : « Elle ne sera pas étonnée… elle sait bien pourquoi. »

M. Bélin eut encore un mouvement de colère ; Clémentine sourit ; la joie brillait sur son visage, et son père ne comprit rien à cette joie : c’était la joie malicieuse d’une femme qui croit s’être vengée.