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MONSIEUR LE MARQUIS

toute la nuit, et il vient de monter dans sa chambre pour s’habiller.

— Il a passé la nuit en route, pensa madame de Pontanges ; il ne vient donc pas de Paris !

— Faut-il faire du feu dans le grand salon ?

— Non, ce n’est pas la peine ; je le recevrai ici.

Oh ! quelle différence ! elle n’avait plus peur aujourd’hui… Ce n’était pas la même femme. Lionel ne la reconnaîtrait pas. Elle tremblait le jour qu’il revint le cœur si rempli d’espoir, il la trouva froide, embarrassée, n’osant parler de leur amour ; elle imaginait mille prétextes pour éviter une émotion trop tendre ; mais aujourd’hui c’est le contraire, elle est libre, elle ose aimer ; son cœur ne rêve plus de combat.

Madame Ermangard entra.

— Ah ! c’est ma tante ! s’écria Laurence. Ma bonne tante, ajouta-t-elle, M. de Marny vient d’arriver. Je l’attends. Voulez-vous donner des ordres pour sa voiture ? J’irai vous rejoindre bientôt.

Madame Ermangard, qui avait fait un mariage d’inclination dans sa jeunesse, s’éloigna respectueusement.

— Par ici, monsieur, par ici ; madame est dans le petit salon.

— Me pardonnez-vous, madame, de vous déranger à cette heure ?

Le domestique qui l’avait amené sortit.

— Ah ! Lionel ! s’écria Laurence en s’élançant vers lui. Et tout en elle, son regard sa démarche, sa voix, tout respirait le bonheur, et tant d’amour et de confiance !… Oh ! c’était affreux !

— Quel bonheur ! dit Lionel en la regardant tristement.

— Oh ! je ne croyais pas vous revoir jamais, dit-elle. J’ai été bien malheureuse !… Ah ! qu’il y a longtemps que je ne l’ai vu !… Lionel ! Ah ! mon Dieu, que je vous aime !…

— Asseyez-vous donc, dit M. de Marny en la voyant si émue. Vous avez été malade, on le voit ; vous êtes maigrie : cela vous va bien.

— Qu’avez-vous, Lionel ? vous avez l’air triste : vous plaignez-vous encore de moi ?

— Moi, madame ?… oh ! non.