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MONSIEUR LE MARQUIS

au moins, aurait eu un intérêt à lui nuire ; mais à Ferdinand qu’importaient ses amours ? De quel droit osait-il troubler son bonheur ? Combien il le trouvait lâche, perfide ! Oh ! qu’il avait soif de son sang !

Ce fut bien pis encore lorsqu’il arriva à Paris, et qu’il interrogea Germain qui arrivait de chez M. Bélin.

— On est donc bien inquiet de moi au château ?

— Non, monsieur. On sait bien que monsieur ne doit pas revenir avant mardi ; il est même question de revenir tout le monde à Paris, si par hasard monsieur était retenu ici pour affaire.

— Quoi ! personne n’est inquiet ? Pourquoi donc M. Dulac est-il venu me chercher ? Vous lui avez donc dit où j’étais ?

— Moi, monsieur ! Comment aurais-je pu le lui dire ? je ne le savais pas.

— C’est juste ; Ferdinand l’a deviné… Cet homme est un démon… Ah ! je me vengerai !…

— Dès que M. Dulac a su que monsieur était parti, reprit Germain, il s’est vite mis en route.

— Et qu’a-t-il dit en apprenant que j’étais parti ?

— Il a dit que cela ne l’étonnait pas ; que vous aviez, sauf votre respect, de l’argent qui courait des risques chez un banquier, et que c’est pour ça…

— Bien, bien, c’est bon !… Il craignait qu’on ne fût inquiet… il m’a joué !…

Lionel courut chez Ferdinand ; il savait bien qu’il était absent ; n’importe ! il avait besoin d’aller chez lui, d’y laisser sa carte, de lui rappeler l’heure, le jour de sa vengeance… Il courut aussi chez les témoins : il ne les trouva pas ; il leur écrivit de venir le voir, qu’il avait un service à leur demander, qu’il les attendait le soir même.

Lionel était épuisé de fatigue lorsqu’il revint chez lui. Ses nerfs étaient détendus. Il n’avait plus la force d’être malheureux ; son âme n’était point faite pour de si violentes agitations ; cette passion était trop forte pour cette âme appauvrie par le monde. Sa passion était sincère, elle était puissante ; mais cette grandeur ne lui venait pas d’elle-même, elle venait de son objet, et loin de son objet elle devait s’affaiblir. Le carac-