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DE PONTANGES.

— J’aime mieux mourir ici, dit Laurence.

— Soit ; mais vous tenez encore au monde par un souvenir.

— Vos paroles sont envenimées, dit-elle ; vous m’avez glacé le cœur.

— Tant mieux, vous en souffrirez moins ; c’est la médecine moderne : on nous éteint pour nous guérir. Mais je reviendrai savoir de vos nouvelles, madame, si vous le permettez.

Le lendemain Ferdinand, fidèle à sa promesse, vint avec le prince de Loïsberg savoir des nouvelles de madame de Pontanges.

Elle ne voulut pas les recevoir.

— Je m’y attendais, dit Ferdinand ; c’est trop tôt.

— Vous m’avez fait faire une gaucherie, dit le prince.

— Non, votre cousine est en deuil ; vous lui devez une preuve d’intérêt, à cette veuve inconsolable.

M. Dulac et le prince remontèrent à cheval, et ils s’en allèrent en causant de feu M. le marquis de Pontanges et des amours de M. de Marny et de Laurence, amours toujours si singulièrement interrompus ; et ils riaient comme des fous.

Pendant ce temps, madame de Pontanges, abîmée dans sa tristesse, pleurait amèrement. Elle était loin de se douter que ses malheurs fussent si comiques.


X.

DES COURBATURES DE L’ÂME.


Lionel n’éprouvait plus qu’un sentiment, l’envie de se venger. Il se demandait pourquoi il n’avait pas satisfait sur-le-champ sa rage, pourquoi il avait attendu un jour avant de punir son ennemi ; il ne comprenait pas ce qui l’avait obligé de partir, quelle force l’avait éloigné de Laurence ; il oubliait qu’elle-même avait dit : « Partez, je le veux, partez… » et qu’à cet ordre il avait bien fallu céder. Mais son amour n’était alors qu’une peine secondaire. Sa haine pour Ferdinand, voilà ce qui enflammait son cœur. Il lui semblait que cet homme était son mauvais génie, et que tout irait bien dans sa vie lorsqu’il aurait tué Ferdinand. Il le haïssait plus qu’un rival. Un rival,