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DE PONTANGES.

— Mais elle a pourtant dû l’épouser ?…

— Elle, épouser Amédée ! elle serait plutôt morte, vraiment. Mais qui donc vous a fait tous ces contes ?… Nous n’avons jamais pu prendre mon cousin au sérieux. Quand j’étais petite, c’était Croquemitaine pour moi ; on me disait, pour me faire peur : « Si vous n’êtes pas sage, mademoiselle, on vous forcera d’épouser votre cousin ! » On faisait aussi cette menace à ma sœur. — Clémentine… Clémentine… viens donc ! Ton mari prétend, que tu trouves Amédée charmant et que tu as dû l’épouser…

Lionel voulait empêcher Valérie d’attirer sa sœur ; mais elle était déjà venue.

— Amédée ?… répéta Clémentine avec embarras.

— Oui ; ne m’avez-vous pas longuement parlé de lui… avec éloge ?…

— Sans doute…..

— Moqueuse ! dit Valérie. Oh ! mais si vous le voyiez !…

— Vous m’avez trompé, Clémentine, dit tout bas M. de Marny.

— Hélas ! reprit-elle en baissant les yeux, il le fallait bien !

— Pourquoi ?

— Pourquoi ?… vous auriez dû le deviner !

— Ce n’est donc pas lui que vous aimez ?…

— Non…

Elle accompagna ce mot d’un regard qui disait si bien : « C’est vous », que Lionel se sentit ému.

— Qu’elle est ravissante ! pensa-t-il ; que de finesse !… Elle connaissait madame de Pontanges… elle savait que je l’aimais… elle est dans le secret de tous mes chagrins… Clémentine a compris que je l’ai épousée par dépit… Pauvre jeune fille ! comme elle a dû souffrir !… Elle m’a trompé pour me laisser libre !… Ah ! cette ruse est noble et pleine de délicatesse… je l’aimerai toute ma vie pour cela !… Chère Clémentine… se voir si jolie et se croire dédaignée… cela est affreux !

Que vous dirai-je ? il était devenu tout à coup amoureux de sa femme…

C’était un monstre que cet homme-là !