Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 2.djvu/44

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étudiée de sa belle-mère, ses consolations inutiles et ennuyeuses, et les mauvais bouillons qu’elle envoyait à jour fixe à des indigents inconnus.

Madame de Clairange s’était fait un état dans le monde de sa tendresse pour sa belle-fille. Elle parlait d’elle sans cesse, l’accablait de soins, de prévenances qui finissaient toujours par ces-mots : « N’est-ce pas, Valentine, pour une marâtre je ne suis pas bien sévère ? »

Malgré tout l’éclat de cette tendresse, il était évident que Valentine ne la partageait point. Et comment pouvait-elle aimer une femme qui se faisait la satire vivante de sa mère ? Jamais elle n’avait pu lui pardonner d’avoir osé la remplacer. Chaque fois que l’on prononçait devant elle le nom de madame de Clairange qui ne disait plus celui de sa mère, on voyait Valentine tressaillir, et souvent alors des larmes de regrets et de dépit s’échappaient de ses yeux.

Le monde lui reprochait généralement sa froideur pour sa belle-mère et l’empressement qu’elle avait mis à se séparer d’elle, en épousant, à l’âge de dix-sept ans, le marquis de Champléry, déjà vieux, n’ayant qu’une fortune médiocre, et ne lui offrant d’autre avenir qu’une vie monotone et retirée au fond des montagnes de l’Auvergne.

Madame de Clairange employa tous les moyens qui étaient en son pouvoir pour empêcher ce mariage, qui lui enlevait son plus bel ornement, son attitude la plus avantageuse, cette preuve éclatante des vertus qu’elle avait tant travaillé à s’acquérir, et qui, par son importance même, la dispensait d’en montrer de moins extraordinaires ; mais elle n’avait aucun empire sur Valentine : ce mariage s’accomplit. Bientôt toutes ses espérances se réveillèrent : M. de Champléry mourut. Elle partit aussitôt pour rejoindre la jeune veuve, et la conjurer de revenir auprès d’elle. Valentine résista longtemps ; mais enfin, vaincue par ses instances, elle promit de venir chaque hiver passer à Paris trois mois auprès de madame de Clairange, à condition qu’on la laisserait libre de rester en Auvergne tout le reste de l’année.

C’était l’époque fixée pour le retour de madame de Champléry, et sa belle-mère venait tout empressée faire part de son bon-