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DE PONTANGES.


XIX.

UNE APPARITION.


Dix-huit mois se passèrent ainsi pour Lionel en plaisirs, en indifférence, en bonheur. Il commençait à s’ennuyer.

Un soir, il retourna à l’Opéra, qu’il avait négligé depuis quelque temps.

— Quelle est cette nouvelle loge, demanda-t-il à M. Rapart, qu’il avait amené au spectacle.

— Je ne sais ; c’est, je crois, la loge de lord ***. Il est depuis quinze jours de retour à Paris.

— Cette tenture est de bon goût…

Le spectacle finit.

— Eh bien, il n’est venu personne dans cette loge si richement décorée ! Votre Anglais est donc resté sous la table ? dit en riant M. de Marny.

En cet instant M. Bonnasseau arriva.

— Savez-vous qui a loué cette loge ? lui demanda M. Rapart.

— Non ; ce doit être quelque grand personnage. C’est une loge de huit places, ma foi !… Qui ça peut-il être, et pourquoi n’y vient-on pas ?… Oh ! voilà Ferdinand, il nous dira cela.

— Connais-tu les gens de cette loge ?

— Sans doute ; c’est moi qui l’ai louée ; j’ai eu de la peine, vraiment. L’arrangement est de bon goût, n’est-ce pas ?

— C’est charmant… Mais dis-nous, quel astre allons-nous voir apparaître dans ce boudoir ?

— Ah ! vous voilà bien, rêvant toujours de belles femmes !… Vous y verrez un vieux Suédois ; c’est tout ce que je vous promets.

En effet, le surlendemain, un vieux personnage chamarré de plaques et de rubans entra dans la loge mystérieuse. Ferdinand Dulac parut bientôt à côté de lui. Mais, plus tard, quand le premier acte fut joué, à l’heure où il était élégant d’arriver, la porte de la loge s’ouvrit avec bruit… les deux hommes se levèrent avec empressement, et toutes les lorgnettes se braquèrent sur une femme éblouissante de parure et de beauté…