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DE PONTANGES.

— J’ai mauvaise mémoire, répondit Laurence, j’ai peur de les oublier. Vous resterez pour me les rappeler.

Puis elle se tourna vers le théâtre, et bientôt rien ne put la distraire de son attention.

On donnait Gustave III.

Madame de Pontanges se serait amusée à moins ; elle était tout yeux, tout oreilles… Laurence s’amusait, elle s’amusait à faire envie. Le lustre serait tombé, qu’elle ne l’aurait pas remarqué, je crois !

Les personnes qui la lorgnaient, et elles étaient en grand nombre, se divertissaient beaucoup de cette naïveté de plaisir. M. Dulac s’en aperçut. — On va se moquer d’elle, pensa-t-il.

Il voulut la distraire.

— Madame… dit-il, madame !…

Elle n’entendit pas.

— Madame la marquise !

Elle ne répondit pas.

— Madame de Pontanges !

Enfin, elle entendit.

— Que me voulez-vous ?

— Vous vous amusez trop ; on ne regarde pas ainsi. On dirait que vous n’êtes jamais venue au spectacle.

— Eh bien, on dirait vrai, puisque c’est la première fois que j’y viens.

Ferdinand fut déconcerté par cette réponse.

— Que faire, pensa-t-il, contre cette femme qui ne rougit pas d’être une provinciale ?

— Mais vous avez vu l’Opéra de Londres ?

— Non…

— Comment ! vous êtes restée deux mois à Londres, et vous n’êtes pas allée à l’Opéra ?

— J’étais en deuil.

— Je vous reconnais bien là : des délicatesses encore ! À Londres, où personne ne vous connaissait !…

— J’étais triste….

— À la bonne heure, voilà une raison.

Laurence se mit à écouter de nouveau, d’abord la Sorcière,